Logo nutritionnel : exigeons de savoir ce qu’on mange exactement

Après quatre années de durs combats, la France a fini par adopter un logo permettant aux consommateurs de connaître et de comparer aisément la qualité nutritionnelle des produits alimentaires, le NUTRISCORE. Mais de grands groupes de l’agro-industrie continuent à résister ; les consommateurs et les citoyens doivent donc continuer à exiger une vraie information sur ce qu’ils mangent !

Le logo Nutriscore, conçu par le Programme National Nutrition Santé (PNNS), présente une échelle synthétique de cinq couleurs associées à des lettres, allant du A vert (meilleure qualité nutritionnelle) au E rouge (moins bonne qualité nutritionnelle). Il s’agit d’une note moyenne obtenue après des mesures objectives et publiques de la quantité d’ingrédients qui nuisent à la santé (sel, sucre, acides gras saturés, etc.) et de celle des nutriments positifs (protéines, fibres, fruits, légumes ou légumineuses). D’un seul coup d’œil, facile à comprendre, le consommateur peut ainsi immédiatement obtenir des éléments objectifs pour choisir, parmi des produits directement concurrents (par exemple des céréales du petit déjeuner), lesquels sont les meilleurs (ou les moins mauvais) pour sa santé, ou bien comparer entre eux des produits différents (par exemple des céréales et les gâteaux).

Il s’agit là d’un outil essentiel pour progresser vers une meilleure santé et diminuer des maladies aussi courantes que dramatiques que sont les cancers, les maladies cardio-vasculaires, le diabète ou l’obésité. C’est une vieille demande des associations de consommateurs qui est enfin satisfaite après plus d’une décennie de travaux d’experts nationaux et internationaux.

D’ores et déjà, un certain nombre de grandes entreprises se sont engagées à utiliser ce Nutriscore, dont trois enseignes d’hypermarchés (Auchan, Intermarché, Leclerc) et trois entreprises agro-industrielles (Danone, Fleury-Michon, McCain). C’est un bon début !

Car tous les produits présentés sur les rayons des supermarchés ne sont pas identiques en termes de santé publique, comme le montre la répartition en pourcentage entre les différentes classes de Nutriscore de quelque 12 348 aliments déjà étudiés (même si la note la plus mauvaise, E, reste très peu utilisée).

On voit, que, très logiquement, des cinq catégories de produits analysés dans ce tableau, ce sont les céréales du petit déjeuner qui obtienne la plus mauvaise note : 92 % ont une note soit moyenne C soit mauvaise D et E. Ça n’a pas manqué de faire réagir les fabricants, qui visiblement n’ont pas l’intention de changer de pratique et veulent continuer à assurer leurs marchés, même au prix de la santé publique. Rappelons que certains adolescents qui se servent largement de céréales de petit-déjeuner absorbent ainsi dès le matin et sans s’en rendre compte l’équivalent de cinq à sept morceaux de sucre ! Ce ne sont pas les tableaux volontairement énigmatiques (et du coup très faussement informatifs) qu’ils trouvent sur le paquet qui vont les en dissuader !

Dans l’exemple ci-dessous, un adolescent qui mange 100 grammes (les portions de référence de 30 g sont celles que mange un enfant de trois à cinq ans !) absorbe 35 g de sucre soit l’équivalent de sept morceaux de 5 g !

C’est ainsi que l’Alliance 7 qui regroupe les fabricants de céréales pour petit déjeuner, de bonbons et de biscuits mène campagne auprès de ses adhérents pour les inciter à ne pas prendre ce logo mais à continuer à « noyer le poisson » en promouvant un autre logo beaucoup moins informatif le Nutri couleurs. Car, en la matière, s’agissant du grand public non spécialiste, trop d’informations tue totalement l’information !

Cette position s’aligne sur celle de six multinationales, Mars, Mondelez, Nestlé, Coca-Cola, Unilever et PepsiCo qui, ont annoncé vouloir développer à l’échelle européenne un logo alternatif. Même Nestlé qui se veut pourtant dans ses publicités le chantre d’une bonne alimentation !

Le professeur Hercberg, le père de Nutriscore et ses équipes ont récemment décrit dans un article très instructif : « Logo nutritionnel : pourquoi certains industriels font de la résistance » que la promotion de ce logo alternatif est tout sauf innocent, puisque d’un coup de baguette magique il pourrait faire passer de carrément mauvais à presque vertueux nombre de produits mis sur le marché par ces entreprises ! Et aussi que, par pur hasard, les produits de ces grands groupes sont particulièrement mal notés dans le Nutriscore ! Un article à lire absolument pour comprendre dans quel monde nous vivons et le poids énorme des lobbys dans nos vies quotidiennes.

À l’heure où l’obésité et les autres maladies issues d’une mauvaise alimentation font des ravages de plus en plus importants, même dans notre pays, les citoyens gagneraient à exiger que tous les produits apparaissent avec une réelle information nutritionnelle. Le combat citoyen pour une meilleure santé publique continue.

 

A propos BrunoParmentier

Bruno Parmentier : Consultant et conférencier sur les questions d’agriculture, alimentation, faim dans le monde et développement durable. Président ou administrateur d’ONG et de fondations. J'ai dirigé de 2002 à 2011 le Groupe ESA (École supérieure d'agricultures d'Angers). Ingénieur des mines et économiste, j'avais auparavant consacré l'essentiel de mon activité à la presse et à l'édition. J'ai eu ainsi l'occasion de découvrir à l'âge mûr et depuis un poste d'observation privilégié les enjeux de l'agriculture et de l'alimentation, en France et dans le monde. Il en est sorti quatre livres de synthèse, un sur l'agriculture, l'alimentation, la faim et le réchauffement climatique. Des livres un peu décalés, qui veulent « sortir le nez du guidon » pour aller aux enjeux essentiels, et volontairement écrits avec des mots simples, non techniques, pour être lisibles par des « honnêtes citoyens ». Ce blog prolonge ces travaux et cette volonté d'échange. Il est également illustré par une chaine YouTube http://nourrir-manger.com/video
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2 réponses à Logo nutritionnel : exigeons de savoir ce qu’on mange exactement

  1. 1011 dit :

    Vous expliquez dans cet article les logos alimentaires mais que dire des slogans sur les emballages ?Plasticienne engagée, j’ai réalisé une série de dessins intitulée « Pouvoir d\\’achat ». Absurdité et cynisme des mots utilisés pour l\\’étiquetage des barquettes de viandes. Cette série de dessins aux crayons de couleur reprend mot pour mot les étiquettes des communicants de l\\’agroalimentaire.> A découvrir : https://1011-art.blogspot.fr/p/dessein.html

    • BrunoParmentier dit :

      Intéressant. Mais dans cet article je parle de l’information nécessaire à la protection du consommateur. Vous posez là un autre problème, celui de notre rapport aux animaux et de la violence inhérente à l’activité d’élevage et à notre choix d’être et de rester carnivores. Doit-on manger moins de viande, ou plus du tout ? C’est une autre question, que je traite par ailleurs régulièrement dans ce blog…

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