Sécurité alimentaire, Lactalis, cancers, pesticides, où en est-on ?

L’affaire du lait infantile contaminé Lactalis a montré toute une chaîne de défaillance, qui donnent lieu à des plaintes. Parallèlement une étude vient montrer un lien probable entre alimentation industrielle et cancer et une autre la présence de pesticides dans les fruits et légumes. 3 occasions de réfléchir à nouveau sur ce que représente vraiment la sécurité alimentaire aujourd’hui.

Texte publié dans Atlantico le 21 février 2018

Rappelons déjà que le mot sécurité alimentaire est fortement polysémique. Il recouvre en fait trois questions très différentes : vais-je manger demain ? Vais-je mourir après souper ? Vais-je attraper un cancer ou devenir obèse (à la fois en mangeant des produits transformés et des fruits et légumes) ?

Vais-je manger demain ?

Pour une bonne partie de l’humanité, de laquelle nous sommes en Europe heureusement sortis depuis quelques décennies, la sécurité alimentaire a un sens très précis : je n’ai pas assez mangé aujourd’hui comment vais-je faire pour manger demain ? Le nombre de sous-alimentés reste singulièrement et scandaleusement stable autour de 800 millions de personnes, quelle que soit la population de la planète. Nous avons à peu près le même nombre de personnes sous-alimentées en 2018 (825 millions) qu’en 2000, en 1950, ou en 1900 ! Et il convient de rajouter à ce chiffre le milliard de personnes qui arrivent à se remplir le ventre, mais ne mangent qu’un seul ingrédient jour après jour, par exemple que du riz, ou que du manioc, et dont la santé est gravement menacée par manque de protéines, vitamines, éléments minéraux, etc.

Or, contrairement à ce qu’il se passait en 1900, il n’y a plus aucune fatalité dans ces chiffres déshonorants ; nous n’étions alors performants ni en agriculture ni en transports internationaux, et très fortement dépendants des aléas climatiques, ce qui n’est plus le cas. La faim dans le monde est aujourd’hui le pur produit de la cupidité, de l’incurie, du racisme et de l’indifférence des hommes. Or, ce que l’homme a fait, l’homme peut le défaire ; pourquoi trouvons-nous normal qu’un enfant de moins de cinq ans meure encore de faim toutes les 10 secondes ? On meurt aujourd’hui beaucoup plus de faim que de guerres ou d’assassinats, et il est plus que temps de lutter résolument contre cette vraie insécurité alimentaire. Car sinon la situation va s’aggraver considérablement avec l’augmentation de la population et le réchauffement climatique.

Indépendamment des actions d’urgence, indispensables, il faut en fait mettre en œuvre simultanément quatre types de mesures :

  • S’organiser pour produire suffisamment. En fait il faudra probablement augmenter de 70 % la production agricole mondiale d’ici 2050 pour que chacun puisse manger à sa faim. Pas en Europe, où on mange déjà trop et où on ne fait plus d’enfants, mais massivement en Afrique, le continent qui va avoir la plus forte croissance démographique au XXIe siècle, et en Asie. Et ce, tout en mettant en œuvre de façon très volontariste les techniques d’agroécologie qui doivent impérativement remplacer les techniques actuelles trop intensives en chimie et en combustibles fossiles, et donc à la fois peu durables et fort délétères.
  • Manger moins et gâcher moins dans les pays riches. En particulier, chez nous, manger beaucoup moins de viandes et de produits laitiers, qui nécessitent de produire énormément de végétaux pour la production, et réchauffent trop fortement la planète. Et arrêter de jeter, jeter, jeter, par exemple nos restes, les fruits et légumes « moches » ou les produits arrivés proches des dates de péremption…
  • Produire dans toutes les régions du monde. Les africains doivent pouvoir manger majoritairement de la nourriture africaine, les asiatiques de la nourriture asiatique, etc. On ne pourra pas s’en sortir en transportant sur des dizaines de milliers de kilomètres des millions de tonnes de produits périssables pour tenter de les vendre à des gens qui n’ont pas d’argent pour les acheter. La lutte contre l’insécurité alimentaire commence par celle pour la souveraineté alimentaire et nous devons veiller à ce que nos exportations subventionnées à bas prix n’empêchent pas les paysans du Sud d’investir pour améliorer leur productivité. Avec une exception peut-être : la nécessaire solidarité autour de la Méditerranée, car les pays de la rive sud de cette « mer intérieure » ne pourront définitivement plus se nourrir, et si on veut y vivre en paix, il paraît sage que les pays de la rive nord contribuent activement à leur sécurité alimentaire.
  • Assurer un revenu minimum à toutes les mères de famille. On peut très bien mourir de faim dans des pays qui ont une agriculture qui exporte dans le monde entier ! On compte encore énormément de pays, en particulier en Afrique Noire et dans la péninsule indo pakistanaise, où la moitié des enfants de moins de cinq ans souffrent de mal nutrition, ce qui compromet définitivement leur avenir. Les bonnes vieilles allocations familiales, ou le revenu minimum de subsistance, aujourd’hui rebaptisés par les Nations-Unies « Défi Faim Zéro », sont une condition absolument nécessaire si l’on veut vivre en paix dans l’avenir. Certains trouvent que ça coûte cher ? Et la guerre, les millions de réfugiés sur les routes et les mers, ils trouvent que c’est bon marché ?

Vais-je mourir après souper ?

Aujourd’hui en France, cette question redevient souvent d’actualité. Pourtant elle ne l’est plus ! Dans les années 50, on déplorait encore de l’ordre de 15 000 morts par an par intoxication alimentaire. Aujourd’hui on les évalue autour de 300, dont la majorité par auto intoxication, car ils ont mangé des produits qu’ils ont laissés se dégrader dans leur placard ou leur réfrigérateur. La vraie question, celle qui fait scandale, c’est aujourd’hui : vais-je avoir la diarrhée après souper !

C’est paradoxalement parce que nous avons fait immenses progrès en matière de sécurité alimentaire sur ce terrain, que les scandales se multiplient, car l’opinion publique est devenue extrêmement exigeante. Nous assistons à une déconnexion entre le risque perçu et le risque réel. Les diarrhées de quelques dizaines de nourrissons, évidemment fort regrettables, apparaissent dorénavant beaucoup plus scandaleuses que les 75 000 morts annuels à cause du tabac ou les 49 000 morts à cause de l’alcool !

Rappelons que, fort heureusement, la plupart des derniers scandales alimentaires n’ont pas causé de décès, en particulier la lasagne au cheval roumain, l’œuf au fipronil, la tarte d’Ikéa à contamination fécale ou le lait maternisé Lactalis aux salmonelles. Même la vache folle avait fait nettement moins de morts qu’un seul week-end ordinaire sur les routes françaises…

Mais, à chaque fois, on se plaint de l’inefficacité des systèmes de contrôle. À juste titre, car on devrait tendre en permanence vers le zéro défaut. Pourtant, à bien y regarder, c’est peut-être parfois l’inverse qui se passe, et la fréquence des scandales provient en partie de la progression de l’efficacité des outils de la police de l’alimentation. On a toujours vendu un produit pour un autre par esprit de lucre (rappelons le célèbre pâté aux alouettes à base de cheval !) mais auparavant il fallait prendre le fraudeur la main dans la casserole pour pouvoir le confondre. Aujourd’hui, avec les techniques d’analyse génétique, on peut tranquillement acheter un paquet de lasagnes dans le commerce et s’apercevoir que la viande présente des gènes de chevaux et non pas de bœufs ! Ou encore, on peut détecter des traces infimes de fipronil dans des œufs achetés en supermarché, élément chimique totalement improbable puisque cette molécule est interdite dans les élevages (alors qu’elle est toujours disponible, et largement en vente dans toutes nos pharmacies pour les colliers anti tique des chiens et des chats, que caressent tranquillement nos enfants…). Et, plus récemment, ça n’est pas si anodin d’arriver en quelques jours à faire le rapprochement entre plusieurs diarrhées de nourrissons pour déterminer avec certitude que la cause vient de la tour N°2 de séchage de l’usine Lactalis de Craon.

On accuse alors le passage à l’autocontrôle et on déplore, à juste titre, que, par souci d’économie, pendant le quinquennat de Sarkozy, lorsque Bruno Le Maire était Ministre de l’agriculture, on ait fortement diminué les effectifs de la police de l’alimentation tout en la désorganisant avec des fusions d’organismes mal maîtrisées…

Cependant, on peut également remarquer que le seul vrai scandale alimentaire qui ait fait des morts en Europe dans les dernières années, celui des graines germées allemandes (48 morts et 2 000 handicapés) ait été le fait de la nourriture la plus contrôlée qui soit, la bio. Davantage de contrôle n’a malheureusement pas, dans ce cas, conduit à sauver des vies…

On ne peut pas mettre un policier derrière chaque aliment, chaque supermarché, chaque restaurant, chaque usine agro-industrielle ! D’autant plus qu’il ne suffit pas d’avoir des policiers, il faut pouvoir contrôler leur réactivité ; on a vu par exemple que dans le cas des œufs au Fipronil, les policiers belges avaient tardé à prévenir leurs homologues des autres pays de la communauté européenne, de peur de nuire gravement à l’économie de l’élevage dans leur pays, alors que ce produit n’est pas vraiment dangereux à très faible dose.

L’autocontrôle est donc malheureusement inéluctable. Mais pour qu’il soit respecté, il faut trouver un substitut à la peur du gendarme. Et finalement on l’a trouvé ! Il s’agit, non pas tant de la peur du juge, puisque, malheureusement, ces affaires se terminent très souvent par une impuissance de la justice tant les problèmes sont complexes, ou certains juges pas assez courageux, ou le chantage à la mise au chômage de centaines d’ouvriers efficace.

Il s’agit en fait de la peur de l’opinion publique et des sanctions financières considérables que les consommateurs sont capables d’infliger. La société civile s’est en effet organisée ; on a vu se constituer des O.N.G. spécialisées dans l’action publique contre les groupes industriels ou commerciaux (par exemple dans le cas Lactalis les associations Food Watch ou Que choisir), ainsi que de nombreuses associations de victimes. Des avocats se spécialisent dans ce genre de contentieux, comme aux USA, et deviennent donc plus efficaces.

Du coup, on s’aperçoit que, contrairement à ce que pense l’opinion publique, ce sont souvent plutôt les petits qui fraudent, dans une sorte de quitte ou double, que les gros, qui, eux, sont quand même largement freinés par l’ampleur des conséquences économiques potentielles d’un boycott ou d’une désaffection des consommateurs. Il est par exemple frappant de voir que l’opinion publique a retenu instantanément les défaillances de la Grande distribution dans le retrait des boîtes de lait Lactalis, alors que, quand on y réfléchit, c’est encore beaucoup plus scandaleux dans le cas des pharmacies de quartier, lesquelles risquent fort de tirer discrètement leur épingle du jeu. Osons le dire, même si c’est contre intuitif, la grande industrie et la grande distribution ont beaucoup fait pour sécuriser l’alimentation dans ce pays. La salade quatrième gamme de Carrefour déjà emballée est beaucoup plus contrôlée que celle que l’on achète sur son marché, et ne parlons pas de la charcuterie industrielle élaborée dans des usines totalement aseptisées par rapport à celles du charcutier du coin de la rue, ou du steak haché de McDo par rapport à celui de son boucher… La sympathique fermière bio qui élabore ses fromages de chèvres tête et mains nues a peut-être eu la grippe et éternué impunément sur le lait !

Donc, pour ne plus jamais mourir après souper, il faut une combinaison d’une police de l’alimentation qui dispose des moyens techniques les plus sophistiqués, et d’un autocontrôle systématique menacé en permanence par de fortes sanctions de l’opinion publique et, si possible, de la Justice.

Vais-je avoir le cancer ou devenir obése en mangeant des plats transformés ?

Aujourd’hui, nous pouvons donc estimer, même si ce n’est pas l’impression de la majorité de la population, que nous avons presque résolu les deux premiers problèmes dans notre pays. Restons vigilants et attaquons-nous résolument au troisième : allons-nous mourir à petit feu à cause de ce que nous avalons ?

Notre espérance de vie n’a cessé d’augmenter depuis la deuxième guerre mondiale, à raison de trois à quatre mois par an. Cela vient en particulier du fait que les causes de mortalité ont fortement changé.

Tout d’abord on ne meurt pratiquement plus de famine et l’épidémie. La France a connu 11 disettes au XVIIe siècle, 16 au XVIIIe, et 10 encore au XIXe. Même au XXe siècle, les deux guerres mondiales ont provoqué pénuries et rationnements. Une des dernières grandes épidémies, la grippe espagnole, a tué entre 20 et 40 millions de personnes en Europe en 1919, plus que la première guerre mondiale. La peste, le choléra, la tuberculose, la lèpre, la dysenterie, la pneumonie, la rougeole, la syphilis, etc. ont décimé les populations européennes pendant des siècles. Tout cela est presque terminé !

La victoire la plus récente est la quasi-disparition des maladies infectieuses, qui causaient encore pratiquement la moitié des morts en France en 1900. Ce chiffre est actuellement inférieur à 10 %. On meurt encore de pneumonie et de grippe, mais seulement à raison de 30 morts annuels pour 100 000 habitants. Septicémies, cardiopathies, appendicites, tuberculoses, affections intestinales, hépatites, tuent maintenant chacune moins de 3 personnes pour 100 000 habitants par an. Le sida a bien fait son apparition mais il représente actuellement 5 morts annuels pour 100 000 habitants. Tous ces chiffres sont sans commune mesure avec ce qu’on enregistrait il y a encore 50 ans ou ce qu’on déplore encore de façon très importante dans certains pays du Sud.

Bien entendu, on continue à mourir, mais maintenant de maladies plus « modernes », qui nous emportent à un âge beaucoup plus respectable, en fait en quelque sorte des maladies du vieillissement et de l’abondance, voire de l’excès : maladies cardio-vasculaires, accidents vasculaires cérébraux, cancers, etc. Et là, l’alimentation joue un rôle considérable.

L’Inserm vient de publier une étude très instructive semblant démontrer au moins une forte corrélation, et donc peut-être une réelle causalité, entre la consommation de nourriture « ultra-transformée » et l’arrivée des cancers. Il s’agit de tous ces produits agro-industriels du genre barres chocolatées, pains de mie, boissons sucrées aromatisées, soupes déshydratées, plats surgelés ou prêts à consommer, etc. Non seulement ils sont souvent pauvres en fibres, vitamines et autres éléments nutritifs et trop riches en graisses, sucres et sel, mais en plus ils sont fréquemment bourrés de colorants, arômes, exhausteurs de goût, édulcorants, antioxydants, conservateurs, émulsifiants ou anti émulsifiants, acidifiants ou correcteurs d’acidité, agglomérants ou anti-agglomérants, agents moussants ou antimoussants, gélifiants, épaississants, affermissants, agents d’enrobage, de glisse, gaz d’emballage, gaz propulseurs, stabilisants, séquestrants, poudres à lever, etc. Un cocktail qui n’a absolument rien de bon pour la santé à long terme !

La vraie insécurité alimentaire du XXIe siècle est là ! Elle est belle, gaie, colorée, joyeuse, pétillante, mais elle nous mène droit à l’obésité, au diabète, à l’athérosclérose et au cancer. Dans ce domaine, il est urgent de ne pas en consommer plus (ces produits représentent déjà entre 25 et 50 % de notre alimentation totale) mais moins. Moins de raviolis et de lasagnes surgelées et davantage de soupes de légumes de saison faite à la maison, moins de céréales du petit déjeuner et plus de pain, beurre et confiture, moins de sodas et plus d’eau du robinet, moins de pâtisseries et plus de fruits frais !

Et le combat actuel le plus important pour notre santé reste celui pour l’étiquetage obligatoire via le nouveau logo Nutri-Score, qui présente une synthèse très lisible en 5 couleurs des qualités nutritives des aliments. Ce logo a beau avoir été adopté officiellement par la Commission européenne et le Gouvernement français, il est de fait torpillé par une alliance de six grandes multinationales (Nestlé, Coca-Cola, PepsiCo, Mars, Mondelez et Unilever) et de la Fédération des produits de l’épicerie (confiseurs, chocolatiers, fabricants de biscuits et gâteaux, de céréales petits déjeuner et de produits de snacking) qui tentent d’imposer malgré tout un logo alternatif, le Nutri couleurs, peu compréhensible et beaucoup moins efficace car en fait élaboré spécialement pour « noyer le poisson » et préserver leurs parts de marché !

Face à cette stratégie de déstabilisation du Nutri-Score, 26 sociétés savantes de la nutrition, de la santé publique, de la pédiatrie et de nombreuses autres disciplines, 3 associations de consommateurs (UFC Que Choisir, la CLCV, FoodWatch) et 150 experts ont lancé une pétition citoyenne pour dénoncer les industriels qui veulent brouiller l’information nutritionnelle : http://chn.ge/2ipVBK2

Vais-je attraper des maladies en mangeant des fruits et légumes ?

L’association Générations futures profite également de l’ouverture du Salon de l’agriculture pour publier une nouvelle étude sur nos fruits et légumes. Elle a compilé les analyses effectuées par les plans de surveillance de la « police de l’alimentation » (la DGCCRF) entre 2012 et 2016, sur un peu plus de 11 000 échantillons de 19 fruits et 33 légumes. Les analyses ont révélé la présence de résidus dans 73 % des fruits et 41 % des légumes, un chiffre dont s’emparent les médias et qui peut inquiéter le consommateur. Du coup ce dernier ne sait plus où donner de la tête : il devrait manger moins d’aliments transformés, mais si c’est pour absorber des pesticides en passant aux fruits et légumes, que faire ? Là aussi, prenons du recul.

L’usage de ces pesticides est autorisé. En soi il n’y a donc rien d’illégal de les retrouver à l’état de traces dans les produits finaux. Tout le problème réside dans la dose, car lorsque ces pesticides ont été autorisés, il a été défini une limite maximale de résidus (LMR). On est donc dans une législation double, qui concerne à la fois les moyens (certains sont interdits et d’autres autorisés) et les résultats (dose maximale à la sortie). Lors de l’autorisation, des spécialistes de la santé ont estimé qu’à ces doses-là, l’absorption ne posait pas de problème de santé, en prenant une bonne marge pour inclure les enfants, les femmes enceintes, etc..

Et là, on arrive à des chiffres moins angoissants : 2,7 % des fruits présentaient des doses résiduelles au-dessus du maximum et 3,5 % des légumes. Moins angoissants, mais bel et bien scandaleux, car, là, on entrait dans l’illégalité. L’étude ne permet pas de savoir ce qu’a effectivement fait l’administration pour faire cesser ces débordements, mais il est probable que, dans la plupart des cas, elle est intervenue, jouant donc pleinement son rôle de police. S’il n’y avait jamais de dépassement, on n’aurait pas besoin de police…

Il faut se rendre compte que nos systèmes de mesure ne cessent de s’améliorer, et qu’on va donc nécessairement trouver dans l’avenir de plus en plus de résidus, mais à des doses autrefois indétectables. Les « scandales » ont donc de beaux jours devant nous. Rappelons que « tout est poison, rien n’est poison, seule la dose compte » (comme le disait Paracelse au XVIe siècle). Même si on découvre maintenant qu’avec les perturbateurs endocriniens et les nanotechnologies, les doses infimes peuvent parfois compter.

Il est intéressant par exemple de noter qu’en octobre 2017 la chaine de télévision France 3 a publié un test comparatif sur les résidus dans des lots de carottes, et qu’elle avait trouvé dans un lot de carottes bios à 2,10 € des résidus de trois produits phytosanitaires totalement interdits dans la culture biologique, à des doses nettement supérieures à celles observées dans des carottes non bios à 0,89 € ! Rien n’est simple, et on peut observer par exemple que, si les produits bios sont beaucoup plus contrôlés, il s’agit là de faire observer une obligation de moyens (interdiction d’utiliser certains produits) et non de résultat (résidus observés) !

Donc, que faire, à part garder son sang-froid et se persuader qu’aujourd’hui on ne meurt pas de manger des fruits et légumes ? (C’est plutôt l’inverse en fait !). Par exemple :

  • Privilégier les produits bios (qui en général, malgré l’exemple ci-dessus, sont plus sains).
  • Privilégier les produits de saison (ils ont été moins trafiqués pour durer au-delà du raisonnable).
  • Privilégier les produits français (ils sont davantage contrôlés, et ont moins voyagé).
  • Peler les fruits non bios (une partie importante des pesticides restent dans la peau) et bien rincer les légumes.
  • Et ne pas consommer trop souvent des « mauvais élèves » de ce tableau (les fruits qui apparaissaient les plus chargés étaient : le raisin, les agrumes, les cerises et les fraises, et les légumes : céleris, endives et les herbes fraiches).

  • Et privilégier les marques et label qui affichent des obligations de résultats. Par exemple le label « Demain la Terre», qui commercialise un peu plus de 1 % des fruits et légumes français, impose à ses producteurs de n’avoir dès l’entrée dans son système qu’au maximum 50 % de la limite légale maximale de résidus (LMR), et de progresser chaque année.

Et enfin aider les producteurs à se passer progressivement des pesticides. En faisant des pressions citoyennes pour une évolution de la législation (c’est ce que font nombre d’ONG qui se sont largement exprimées lors des récents Etats généraux de l’alimentation). Et aussi en payant correctement notre alimentation (moins c’est cher payé, plus on est tenté de prendre des mesures expéditives), et en veillant à une juste répartition de ce qu’on paye au commerçant (on a vu récemment que les grandes surfaces, qui se servent toujours en premier, en plus margeaient très largement sur la bio).

Le vrai combat d’avenir pour la sécurité alimentaire en France est là ! Le prix à payer pour une véritable sécurité alimentaire, c’est de prendre conscience qu’il faut dorénavant consacrer un peu plus de temps et un peu plus d’argent à cette activité absolument essentielle qui est celle de se nourrir correctement. Changer un peu moins souvent de téléphones portables mais faire un peu plus attention à sa nourriture ! Manger moins, bio, frais, local, et tant qu’à faire équitable. Ne pas laisser systématiquement à d’autres le soin de faire ses courses et sa cuisine. Une décision éminemment rentable car on diminuera fortement ses dépenses de santé tout en se préparant une vieillesse nettement plus heureuse.

A propos BrunoParmentier

Bruno Parmentier : Consultant et conférencier sur les questions d’agriculture, alimentation, faim dans le monde et développement durable. Président ou administrateur d’ONG et de fondations. J'ai dirigé de 2002 à 2011 le Groupe ESA (École supérieure d'agricultures d'Angers). Ingénieur des mines et économiste, j'avais auparavant consacré l'essentiel de mon activité à la presse et à l'édition. J'ai eu ainsi l'occasion de découvrir à l'âge mûr et depuis un poste d'observation privilégié les enjeux de l'agriculture et de l'alimentation, en France et dans le monde. Il en est sorti quatre livres de synthèse, un sur l'agriculture, l'alimentation, la faim et le réchauffement climatique. Des livres un peu décalés, qui veulent « sortir le nez du guidon » pour aller aux enjeux essentiels, et volontairement écrits avec des mots simples, non techniques, pour être lisibles par des « honnêtes citoyens ». Ce blog prolonge ces travaux et cette volonté d'échange. Il est également illustré par une chaine YouTube http://nourrir-manger.com/video
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1 réponse à Sécurité alimentaire, Lactalis, cancers, pesticides, où en est-on ?

  1. Albert Amgar dit :

    Il y aurait beaucoup trop à dire sur votre article mais je me contenterais de vous signaler que ce que vous rapportez à propos de la flambée liée aux graines germées d\\’origine égyptienne en Allemagne est erroné. Vous dites, 48 morts et 2 000 handicapés, de fait il y a eu selon l\\’OMS (http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs399/fr/), il y a eu 54 décès et selon le Bulletin épidémiologique de l\\’Anses (http://bulletinepidemiologique.mag.anses.fr/sites/default/files/BE%2068%20Special_bd.pdf), Plus de 3 000 personnes ont été malades, dont 845 cas de syndrome hémolytique et urémique (SHU). Je ne sais ce que sont les 4000 handicapés …A trop vouloir faire grand public, vous êtes en train de devenir le Michel Drucker de la santé et nutrition …

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