Mangeons des fruits et des légumes : ils sont tous bons pour la santé !

De nombreux journaux ont produit des titres anxiogènes

Des publications récentes ont tenté de nous faire croire que nos fruits et légumes (non bio) étaient bourrés de pesticides ! Certains sont même allés jusqu’à écrire que les résidus de pesticides pourraient annuler le bénéfice sanitaire des fruits et légumes. Une accusation particulièrement grave au début du printemps, où arrivent enfin sur les étals les fruits et légumes de saison, et à un moment où les Français font beaucoup plus attention à leurs achats alimentaires à cause de la reprise de l’inflation.

Publié dans Futura le 7 juin et dans StripFood le 5 juin 2022

Bien sûr il n’en est rien ! Mangeons des fruits et des légumes, autant que nous le pouvons, ça reste excellent pour la santé, surtout s’ils sont frais et locaux, crus ou cuits de toutes les façons, mais même en conserves ou surgelés. Au moins 5 parts de fruits et légumes par jour, on ne le répétera jamais assez, bio ou traditionnels ! Tentons de comprendre les dessous de cette campagne anxiogène.

Oui, continuons à manger des fruits et légumes, sans peur excessive !

Les financeurs et diffuseurs de ces études, les ONG Pesticide Action Network Europe, et en France Générations futures, sont des lobbies pro bio et anti agriculture conventionnelle. Car oui, les lobbies ne sont pas que du coté des multinationales et des tenants de l’agriculture intensive !

Or le bio traverse une crise en France (et en Europe) depuis 2021, où son chiffre d’affaires a commencé à baisser après 20 années de croissance ininterrompue (voir mon article à ce sujet), en particulier due au fait que les consommateurs retournent vers des produits non bio qui sont moins chers.

Carrefour est maintenant un acteur majeur du bio en France… au détriment des magasins spécialisés.

De plus les magasins bio se voient voler des parts de marché par les grandes surfaces. La seule chaine Carrefour par exemple, représente déjà à elle seule 1/4 de la distribution du bio en France et voudrait encore augmenter ce chiffre en réalisant plus de 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires sur ce segment de marché… Ceci explique largement la publication actuelle de ces études, avec des chiffres chocs destinés à frapper la population… en espérant ainsi la ramener vers les magasins bio.

Ses promoteurs avancent en particulier que « Les consommateurs européens sont de plus en plus exposés à des pesticides qui auraient dû être retirés du marché depuis 2011 en raison de leur dangerosité ». Pour ces ONG, la « hausse spectaculaire » des quantités de fruits contaminés révélée par l’étude marque « l’échec total » de l’Europe à « mettre en œuvre sa réglementation et protéger les consommateurs ». Ils éditent des tableaux de déshonneurs des fruits et légumes les plus contaminés et qu’ils recommandent de ne plus consommer… sauf s’ils sont bio.

Tout cela donne lieu à de nombreuses polémiques, chacun avançant des arguments de contestation du caractère plus ou moins scientifique des études des « pro » et des « anti », auquel le grand public ne comprend rien. Revenons donc à la base.

Le seuil de détection peut être maintenant beaucoup plus bas que le seuil de toxicité

Le fond du problème est la confusion, volontairement entretenue pour faire peur, entre le seuil de détection et le seuil de toxicité. Les résidus de pesticides qui restent sur les fruits et légumes sont évidemment dangereux. C’est bien pour ça qu’existe une législation très stricte, à la fois européenne et nationale. Cette législation interdit de vendre des produits dont les résidus dépassent un certain seuil (les « limites maximales de résidus », LMR), et obligent à retirer du marché ceux qui se trouvent plus dans le cadre de la loi. De même pour l’eau potable (dite EDCH, eau destinée à la consommation humaine).

La définition des seuils de toxicité évolue évidemment dans le temps en fonction des découvertes scientifiques, mais ce processus est relativement lent car il y a eu beaucoup d’études au départ pour définir ces seuils et la législation, avec une ample marge pour parer aux mauvaises surprises (du genre dose inoffensive seule, mais qui pourrait poser des problèmes en cas de cocktails de pesticides ingérés). Evidemment les législations évoluent trop lentement pour les détracteurs des pesticides, qui en plus soupçonnent en permanence Les États de ne pas effectuer les contrôles suffisants pour faire respecter leur législation.

Les laboratoires sont de plus en plus performants et abaissent en permanence leur seuil de détection

Mais ce qui évoluent très vite avec le progrès technique, ce sont les technologies de détection. Chaque année on perfectionne de nouvelles machines qui détectent de plus petites quantités de substances. Actuellement, sur beaucoup de produits, ces seuils de détection arrivent à être 1500 fois plus petits que les seuils de toxicité (voir par exemple la chronique de Pascal Perri). Donc en se basant sur les seuils de détection, il est facile, quoique fort malhonnête, de se répandre dans la presse en disant que la situation empire d’année en année.

En fait, ce qu’on observe, ça n’est pas forcément davantage de pollution, c’est essentiellement les progrès scientifiques continus des techniques de détection. Bien entendu ces progrès vont se poursuivre ; et le jour où on arrivera à détecter jusqu’à une seule molécule dans une pomme, on pourra ainsi déclaré que 100% des pommes sont contaminées ! On n’a donc pas fini de voir ce type de littérature catastrophiste surgir chaque année au printemps.

Et d’ailleurs on aura également la surprise de constater que les pommes bios sont elles aussi contaminés (car même si l’arboriculteur ne les asperge pas de pesticides, elles sont quand même soumises aux vents et aux pluies qui amèneront les contaminants de l’autoroute ou de l’aéroport voisins !). On découvre bien des traces de substances interdites depuis des décennies dans les glaces du pôle nord et dans les lacs de montagne des Pyrénées ! Sans oublier des résidus des essais radioactifs des années 60 et de la catastrophe de Tchernobyl. Ou que des résidus de contraceptifs, somnifères et anxiolytiques, très consommés par les Français, ont beaucoup de mal à être complètement retirés des eaux usées dans les usines d’épuration de nos grandes villes…

Bien mentionner l’adjectif « détecté », car ce qui est vrai aujourd’hui ne le sera pas forcement demain !

Pour tenter de contrer ces campagnes anxiogènes, certains, comme la magnifique association de producteurs Demain la Terre, mettent en avant de nouveaux labels, comme « Garanti sans résidus de pesticides » ou « Cultivé sans pesticides de synthèse »…

Autre exemple : certains affirment que l’on retrouve du glyphosate dans le corps de 90 % des Français, et des émissions la télévision grand public se sont amusés à le doser dans l’urine d’artistes et de sportifs connus, en produisant des résultats chiffrées sans expliquer les incidences possibles sur la santé (car évidemment ce sont de très faibles doses). Depuis lors, ces affirmations à grand spectacle on fait long feu : les méthodes de dosage du laboratoire utilisé ont été largement contestés et d’autres laboratoires ont fait des contre analyses qui contredisaient ces affirmations. De plus on peut aussi estimer que si des traces de glyphosate se trouvent dans les urines c’est plutôt bon signe parce que ça veut dire que le corps les éliminent naturellement ! Et rappelons que les polémiques sans fin autour de la toxicité du glyphosate n’ont jamais cessé. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) l’a certes classé comme « cancérogène probable » en 2015, mais une douzaine d’institutions tout aussi respectables ont donné des avis radicalement différents !

Cette promotion de la bio est ratée, mais elle provoque malheureusement une baisse de la consommation de fruits et légumes préjudiciable à la santé

Le problème de ce genre de campagne, c’est qu’elles n’ont pratiquement aucune incidence sur le chiffre d’affaires des magasins bio (qui les ont indirectement financées), mais qu’elles provoquent en revanche une diminution de la consommation globale de fruits et légumes. On voit donc bien que les actions des lobbies, qu’ils soient d’un côté ou de l’autre, ne vont malheureusement pas toujours dans le sens de l’intérêt général…

Bon appétit… avec les fruits et légumes de saison !

Car cette consommation est absolument indispensable pour rester en bonne santé. Parce que, comme le détaille la campagne « Manger-bouger », qui recommande de manger au moins 5 fruits et légumes par jour, « ils sont riches en fibres, en vitamines et minéraux, et parce que leur effet favorable sur la santé a été démontré. Ils ont un rôle protecteur dans la prévention de maladies, comme les cancers, les maladies cardiovasculaires, l’obésité, le diabète… ». A ce sujet, on peut lire par exemple les excellentes synthèses de Véronique Mokski « Légumes et santé, un duo vraiment épatant », ou de Mathilde Gérard « Manger plus sainement peut permettre de gagner plus de 10 ans d’espérance de vie ».

Donc ne nous laissons pas impressionner, ne nous laissons pas abattre, mangeons résolument des fruits et des légumes de saison en ce printemps 2022, et régalons-nous !

A propos BrunoParmentier

Bruno Parmentier : Consultant et conférencier sur les questions d’agriculture, alimentation, faim dans le monde et développement durable. Président ou administrateur d’ONG et de fondations. J'ai dirigé de 2002 à 2011 le Groupe ESA (École supérieure d'agricultures d'Angers). Ingénieur des mines et économiste, j'avais auparavant consacré l'essentiel de mon activité à la presse et à l'édition. J'ai eu ainsi l'occasion de découvrir à l'âge mûr et depuis un poste d'observation privilégié les enjeux de l'agriculture et de l'alimentation, en France et dans le monde. Il en est sorti quatre livres de synthèse, un sur l'agriculture, l'alimentation, la faim et le réchauffement climatique. Des livres un peu décalés, qui veulent « sortir le nez du guidon » pour aller aux enjeux essentiels, et volontairement écrits avec des mots simples, non techniques, pour être lisibles par des « honnêtes citoyens ». Ce blog prolonge ces travaux et cette volonté d'échange. Il est également illustré par une chaine YouTube http://nourrir-manger.com/video
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4 réponses à Mangeons des fruits et des légumes : ils sont tous bons pour la santé !

  1. SABARDINE dit :

    Bonjour Bruno !

    D’habitude, je vous lis avec satisfaction, mais là, c’est fort de café ! Avez-vous lu l’enquête du Monde et sa contre-attaque ?? Dire que cette étude a été financée par « les lobbys bios » (certes, ils existent et c’est normal), alors qu’ils ne représentent qu’une infime partie du poids des lobbies à Bruxelles et Strasbourg ….d’un côté les mastodontes agro-chimiques, de l’autre des ONG presque sans moyens. Que dites-vous du lobby chimique qui vient de dire que le glyphosate était OK ?? Voir : https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/06/02/pesticides-dangereux-le-monde-maintient-ses-informations-apres-la-contestation-de-deux-etudes_6128656_3244.html

    • BrunoParmentier dit :

      Bonjour Denis,
      Merci pour votre interpellation ; sans la liberté de blâmer il n’est pas d’éloge flatteur !

      En effet, on ne peut pas être d’accord sur tout !
      Oui j’ai bien lu ce plaidoyer auto justificatif du Monde ; je le site d’ailleurs dans mon article.
      Mais il ne m’a pas convaincu. Donc j’ai maintenu la publication de ce texte.

      Ca fait plusieurs fois que l’on assiste ainsi à des campagnes importantes de relations publiques dont la conséquence directe est la baisse de la consommation de fruits et légumes.
      Depuis des décennies, on a déjà énormément de mal en France à faire progresser les Français vers la consommation d’au moins 5 fruits et légumes par jour, et ce genre de campagne nous ramène chaque fois en arrière. Ca me paraît un vrai problème de santé publique.

      OK les « lobbies » anti pesticides n’ont pas les moyen de l’industrie chimique ou du syndicat majoritaire, mais ils sont quand même très efficaces en matière de mobilisation de l’opinion publique… et ils n’ont pas la responsabilité direct de nourrir la population, toute la population, ce qui redevient comme extrêmement d’actualité avec les pénuries de céréales dues à la guerre en Ukraine et au réchauffement climatique.

      De même que le labour me semble une agression à la Nature nettement plus importante que le glyphosate, et s’il faut maintenir quelques années un peu de glyphosate pour pouvoir passer au sans labour, ça me paraît un prix acceptable.

      Bruno Parmentier

  2. Boiron dit :

    le lobby de la peur est bon marché est très efficace. Elle a créé une nouvelle maladie chez les jeunes, les ecos déprimés.l écologie l agriculture l énergie sont des sciences, qui doivent nous faire rêver, et,non déprimés

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