Combien faut-il dépenser pour se nourrir ?
En 1960, un ouvrier français payé au SMIC devait travailler 4 h 24 pour acheter un kilo de poulet, et 3 h 27 pour un kilo de porc ; aujourdhui, compte tenu des énormes progrès de la productivité agricole, il lui suffit respectivement de 13 et 34 minutes !
En 1960, on consacrait en moyenne en France presque le quart de son salaire à se nourrir (23,2%), aujourdhui seulement un gros dixième (11,4%) : le logement pèse maintenant beaucoup plus (19,1 % du budget), et bientôt les loisirs (déjà 9,1 %).
Pourquoi avons-nous intégré et accepté comme inéluctable que chaque année on devrait dépenser plus pour se loger, mais moins pour se nourrir ? Lindustrie du bâtiment a pourtant fait, elle aussi, dimportants efforts de productivité.
Chacun sait que les courbes ne se prolongent pas indéfiniment ; nous ne consacrerons probablement jamais moins de 10 % de notre salaire à nous nourrir. Au contraire, compte tenu de nos nouvelles exigences en aliments de bonne qualité, locaux ou exotiques, ayant du goût, comportant des garanties de sécurité alimentaire, dépourvus d’OGM et de pesticides, sans gluten ou caséine, bourrés doméga 3, déjà lavés, épluchés et précuits, etc., et des pénuries mondiales à venir, nous aurons à retrouver un nouvel équilibre : par exemple un peu moins de téléphone portable contre un peu plus de « bonne bouffe » Sachant que de nombreux autres facteurs que lagriculture constituent le prix de nos aliments ; celui du pain, par exemple inclut 50 % de salaires et « seulement » 5 % de blé (mais aussi 4 % dénergie, 4 % de loyer, etc.). Le niveau des hausses dépendra donc fortement du comportement des multiples acteurs de la chaîne alimentaire.
La hausse des prix des produits alimentaires ne va pas, chez nous, provoquer de pénurie, mais néanmoins de réelles difficultés sociales pour les personnes à faibles revenus, et certains changements de consommation. La politique alimentaire européenne pourrait bien avoir à se tourner en partie de lamont, le niveau de vie du producteur, vers laval, le pouvoir dachat des consommateurs les plus fragiles.
A léchelle de la planète, les riches sen sortiront toujours, mais les plus pauvres ont du souci à se faire, en particulier dans les pays les moins dotés sur le plan des ressources naturelles, qui ne produiront pas assez de nourriture, et nauront pas de pétrole à vendre pour se la payer