Quelle que soit sa politique agricole, l’Égypte ne peut pas et ne pourra pas se nourrir. On ne peut pas rêver de produire de quoi nourrir 84 millions de personnes dans un pays désertique où seulement 4% des terres sont cultivables ! La productivité agricole sur ces rares terres arables, presque toutes irriguées, est plutôt bonne, donc il n’y a pas grands amélioration à attendre. En fait l’Égypte achète une grande part de sa nourriture, et en particulier autour de 10 millions de tonnes de blé par an, ce qui fait de lui le plus grand importateur mondial de cette céréale.
On a vu lors des deux dernières crises céréalières mondiales à quel point sa dépendance était extrême. En 2008, lorsque le prix du blé a triplé, de nombreuses émeutes de la faim ont ébranlé le régime de Moubarak, alors que les dépenses de base de la moitié de la population qui vit avec moins de 2$ par jour avaient augmenté de 50 % en trois mois. En 2011, une nouvelle flambée des cours de cette céréale a déclenché le mouvement qui a eu raison du régime.
Distribution de pain en 2008 au Caire
La récolte mondiale 2012 a été mauvaise, et les cours ont de nouveau flambé en 2013. Aujourd’hui, à la veille d’une récolte mondiale 2013 qui devrait être bonne, et donc faire baisser les cours, l’Égypte se trouve malheureusement dans une situation de quasi faillite. Les troubles sociaux et l’incertitude issue de la prise de pouvoir des islamistes ont asséché les ressources en devise de ce pays, en particulier celles issues du tourisme, sans évoquer l’inexpérience économique des nouveaux ministres. Les ressources en devises du pays qui représentaient un montant de 36 milliards de dollars en janvier 2011, ne s’élèvent aujourd’hui plus qu’à 13 milliards de dollars – réduisant drastiquement les capacités d’importation, et les stocks de blé sont au plus bas. La FAO estime que la situation du pays menace de devenir carrément critique cet été.
Heureusement, les Émirats arabes unis, l’Arabie Saoudite et le Koweït ont conjointement promis d’accorder 12 milliards de dollars à l’Égypte en devises, en prêts et en pétrole, suite à la destitution de M. Morsi. Mais c’est reculer pour mieux sauter, car comment l’Égypte fera pour se procurer des devises si les troubles persistent ?