Le parlement indien ratifie le plus grand programme alimentaire du monde

Actualisation de l’article publié ici même en juillet dernier

L’Inde est le pays de la faim dans le monde ; elle regroupe à elle toute seule le tiers des humains sous-alimentés, 217 millions selon la FAO, autant qu’il y a 40 ans. Voilà un pays dit « émergent », mais où 42 % des enfants de moins de 5 ans souffrent de malnutrition chronique, et où, dans les régions les plus pauvres, 59 % des enfants souffrent de retards de croissance. Des taux supérieurs à ceux du Niger ou du Mali.

Un programme alimentaire géant pour nourrir 800 millions de personnes

Une nouvelle considérable vient d’être confirmée le 27 août : le « National food security bill » adopté par le gouvernement indien en juillet 2013 a finalement été ratifié par le parlement indien, après un vibrant discours de Sonia Gandhi (pourtant malade, elle a dû être brièvement hospitalisée après…). Il prévoit de mettre en place le plus grand programme de ce type jamais entrepris dans le monde : près de 800 millions de personnes, soit 67 % de la population, pourront acheter de 3 à 7 kg de céréales (riz et farines) par personne et par mois au tarif de quelques centimes d’euros. La quantité de céréales subventionnées variera selon les niveaux de revenus de chacun. Ces projets s’accompagnent d’aide financière aux femmes enceintes et allaitantes et de rations alimentaires adaptées aux jeunes enfants.

Sonia gandhi aout 2013

« Il est temps pour l’Inde de franchir ce pas historique »

 a dit Sonia Gandhi avant d’être hospitalisée quelques heures

L’Inde va devoir augmenter ses dépenses d’un tiers chaque année

« En choisissant la procédure législative, l’Inde fait une avancée très importante en faveur de la notion de droit à l’alimentation », note Olivier De Schutter, rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation. Il convient là aussi de rester prudent sur un programme qui devrait amener à augmenter d’un tiers les dépenses, coûter 15 milliards d’euros annuels en période de ralentissement de la croissance économique mondiale, et dans un pays très bureaucratique et très corrompu. Surtout que la mise sur le marché de telles quantités de céréales à bas prix risque par ricochet de faire baisser les revenus des paysans, pourtant les premiers touchés par la faim…

On peut aussi espérer qu’à terme le millet, plante plus adaptée à la sécheresse, sera également touchée par ce programme, et pas seulement le riz et le blé, plantes trop gourmandes en eau dans un pays où seulement 30 % des terres sont irriguées, et où les effets délétères du réchauffement climatique sont à leur maximum.

Un espoir pour toute l’humanité

Il reste que c’est nouveau que de grands pays émergents admettent qu’il est légitime de lutter contre la faim, et donc d’être jugés sur leur capacité à obtenir des résultats dans ce domaine. Or les résultats sont possibles, comme on l’a vu dans le Brésil du président Lula, le premier pays à avoir expérimenté le programme « faim zéro ». Ce programme a permis à 20 millions de Brésiliens de sortir de la pauvreté (ils sont passés de 28 à 10 % de la population), réduit la malnutrition infantile de 61 %, la mortalité infantile de 45 % et la pauvreté rurale de 15%, en favorisant l’agriculture locale et la consommation de produits locaux. Le Brésil est devenu une référence internationale en matière de sécurité alimentaire.

On peut évidemment citer également la Chine, où le nombre de sous alimentés est passé de 387 à 140 millions dans les 40 dernières années, alors que sa population totale augmentait de plus de 500 millions de personnes dans le même temps.

Mais c’est d’autant plus important de réussir cette politique en Inde que ce pays n’arrive pas à juguler sa croissance démographique ; il nait actuellement 28 millions d’indiens par an (contre « seulement » 16 millions de chinois, et en 2050 ce pays sera le plus peuplé du monde, avec probablement 1,7 milliard d’habitants…

D’autres pays d’Amérique Latine se sont lancés dans une voie proche de celle de Faim Zéro, en particulier Mexique, Pérou et Nicaragua. A quand l’Afrique, où le nombre de sous-alimentés a été multiplié par 3 à 5 en 30 ans dans des pays comme la République démocratique du Congo, le Kenya ou Madagascar ?

A propos BrunoParmentier

Bruno Parmentier : Consultant et conférencier sur les questions d’agriculture, alimentation, faim dans le monde et développement durable. Président ou administrateur d’ONG et de fondations. J'ai dirigé de 2002 à 2011 le Groupe ESA (École supérieure d'agricultures d'Angers). Ingénieur des mines et économiste, j'avais auparavant consacré l'essentiel de mon activité à la presse et à l'édition. J'ai eu ainsi l'occasion de découvrir à l'âge mûr et depuis un poste d'observation privilégié les enjeux de l'agriculture et de l'alimentation, en France et dans le monde. Il en est sorti quatre livres de synthèse, un sur l'agriculture, l'alimentation, la faim et le réchauffement climatique. Des livres un peu décalés, qui veulent « sortir le nez du guidon » pour aller aux enjeux essentiels, et volontairement écrits avec des mots simples, non techniques, pour être lisibles par des « honnêtes citoyens ». Ce blog prolonge ces travaux et cette volonté d'échange. Il est également illustré par une chaine YouTube http://nourrir-manger.com/video
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