Les nouvelles prescriptions alimentaires officielles viennent de sortir, quoi de neuf ? Allons-nous mieux manger ?

L’organisme officiel Santé Publique France vient de publier ses nouvelles recommandations pour bien s’alimenter, qui remplacent celles qui avaient cours, avec quelques modifications, depuis 2001. Un petit événement dans le monde des conseils à la bonne alimentation !

Le 4e Programme National Nutrition Santé tente de trouver les meilleurs moyens de réduire l’obésité et le surpoids dans la population, augmenter l’activité physique et diminuer la sédentarité, améliorer les pratiques alimentaires et les apports nutritionnels, et réduire la prévalence des pathologies nutritionnelles. Vastes programmes, alors que tous ces indicateurs empirent d’année en année ! L’obésité par exemple est passée de 10 à 15 % des adultes français dans la période, et le fait que ça pourrait être pire (les USA en sont à 38 %, la Grande Bretagne à 27 % et l’Allemagne à 24 %) ne doit aucunement nous satisfaire : le Japon, lui, n’en est qu’à 3,7 % !

Taux d’obésité dans la population adulte des pays de l’OCDE
en 2017 (France 15,3 % moyenne 19,5 %)


Il est intéressant de regarder les changements opérés en 18 ans, entre le 1er et ce 4e Programme, pour mieux comprendre comment évolue notre société, ses rapports à l’alimentation, la doctrine officielle des médecins et nutritionnistes, et les techniques de communication…

Une référence à suivre, au sein d’une communication omniprésente et étourdissante

Tous ceux qui ont essayé savent que changer profondément et durablement son comportement alimentaire est long et difficile. Particulièrement lorsqu’il faut se concentrer sur des objectifs précis alors que chaque membre de notre entourage s’obstine à nous faire part de ses convictions personnelles, et que nous sommes littéralement bombardés au quotidien de publicités pour les produits gras, sucrés, peu nutritifs, plein d’additifs… mais tellement bons et pratiques !

Un cadre général, facile à retenir, avec des recommandations simples, compréhensibles et atteignables relatives à l’alimentation, à l’activité physique et à la sédentarité vient donc à point nommé remettre les idées en place et nous intéresser non pas uniquement au caractère bienfaisant ou dangereux de tel ou tel produit, mais d’abord au contexte global ans lequel nous les ingérons.

Le cadre de vie et la modération comme facteurs clés

L’idée principale est d’avoir plaisir à manger et de prendre le temps de déguster, tout en privilégiant la variété et le fait maison. Une vision bien française, qui fait de la nourriture un art de vivre, où d’ailleurs les produits eux-mêmes viennent en seconde position, après le cadre dans lequel ils sont consommés.

En premier, donc, vient le plaisir, puis le temps, la diversité et enfin l’artisanal. Le fait maison est à lui tout seul significatif de cette démarche où l’individu maitrise ce qu’il mange : il reprend ce pouvoir qu’il avait délaissé aux industriels (et donc doit souvent réapprendre à faire la cuisine). Dans cette recette du bien manger, seuls manquent le partage et la conversation. Nul doute que nous les retrouverons dans les années à venir.

La modération reste la norme, on prendra garde aux quantités et à la taille des portions, ce qui n’est pas nouveau. Par contre l’environnement arrive en force comme dans tous les secteurs économiques et l’Agence nationale de santé publique nous incite à privilégier des aliments de producteurs locaux, de saison et bio.

Moins de viande, toujours plus de végétal, et plus d’activité physique

Quant au menu lui-même, retenons la présence d’un nouveau groupe regroupant les aliments industriels, faciles à identifier au supermarché (ils sont tous superbement emballés) : boissons sucrées, aliments gras, sucrés, salés et, nouveau, ultra-transformés, qu’il s’agit bien sûr de réduire.

D’ailleurs l’aspect réduction a été fortement développé cette fois-ci. Et ce qui est complétement nouveau, les produits animaux sont passés dans ce chapitre, rejoignant ainsi l’alcool, le gras, le sucre et le sel ! Là où on nous recommandait d’en manger « une à deux fois par jour », sans préciser la quantité, on nous dit maintenant de ne pas dépasser 150 grammes de charcuterie et 500 grammes de viande par semaine (soit en moyenne pas plus de 70 grammes par jour !), en privilégiant la volaille.

Et les produits laitiers aussi, qu’on nous recommandait de manger au moins 3 fois par jour ou à chaque repas, ont été rétrogradés à 2 fois par jour ! Et en plus les desserts lactés et la crème fraiche sont carrément déconseillés. Gageons que la prochaine fois on nous donnera, là aussi, des objectifs explicites de réduction. Il est loin le temps où on allait travailler pour gagner son beefsteak ou mettre du beurre dans les épinards !

Quel changement de perspective ! Il accompagne le reflux qu’on constate depuis le début des années 2000, après un siècle d’augmentation forcenée. Au XXe siècle nous sommes passés de 30 à 100 kilos de viande et de laitages par personne, et maintenant nous n’en sommes plus qu’à 85 kilos de viande et 90 kilos de laitages. Les arguments de santé se conjuguent dorénavant à ceux de protection de l’environnement et de bien-être animal. Ils sont à la fois cause et conséquence de cette désaffection, ou tout du moins du passage d’une consommation en quantité à une de qualité. Mais ils étaient socialement irrecevables il y a 50 ans, quand on voulait si fortement pouvoir chacun manger son beefsteak !

En revanche, les protéines végétales sont à nouveau à l’honneur, puisqu’on recommande explicitement les légumineuses (pois chiches, lentilles, haricots, etc.) et les féculents (pommes de terre, céréales, pain, mais complets). Plus les fruits à coque plein d’oméga 3 (noix, amandes, pistaches, etc.).

Autre nouveauté, même si avant on nous recommandait de « bien manger et bouger », les « activités physiques dynamiques » qui sont donc directement associées au repas. Au moins 30 minutes par jour, un objectif quand même atteignable par tous… En parallèle, nous devons combattre la sédentarité et nous lever de notre chaise au moins toutes les deux heures. Pour nous mettre en appétit ?

Un programme en trois temps, à apprendre par cœur

Les recommandations ont été réparties de trois façons : « augmenter, réduire et aller vers ». Ce dernier concept se veut incitatif, donc moins directif pour nous laisser le temps de nous habituer d’ici la prochaine révision des recommandations. On sent qu’on a fait de vrais efforts avec des « communicants » pour transmettre des messages positifs, incitatifs et non culpabilisants. Place maintenant aux graphistes pour nous concevoir des affiches gaies et colorées qui martèlent ces messages !

A propos BrunoParmentier

Bruno Parmentier : Consultant et conférencier sur les questions d’agriculture, alimentation, faim dans le monde et développement durable. Président ou administrateur d’ONG et de fondations. J'ai dirigé de 2002 à 2011 le Groupe ESA (École supérieure d'agricultures d'Angers). Ingénieur des mines et économiste, j'avais auparavant consacré l'essentiel de mon activité à la presse et à l'édition. J'ai eu ainsi l'occasion de découvrir à l'âge mûr et depuis un poste d'observation privilégié les enjeux de l'agriculture et de l'alimentation, en France et dans le monde. Il en est sorti quatre livres de synthèse, un sur l'agriculture, l'alimentation, la faim et le réchauffement climatique. Des livres un peu décalés, qui veulent « sortir le nez du guidon » pour aller aux enjeux essentiels, et volontairement écrits avec des mots simples, non techniques, pour être lisibles par des « honnêtes citoyens ». Ce blog prolonge ces travaux et cette volonté d'échange. Il est également illustré par une chaine YouTube http://nourrir-manger.com/video
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