Imaginer l’agriculture et l’alimentation d’après

Obésité, gâchis, aide alimentaire, fruits, Europe, soja, agriculture écologique, réchauffement climatique, etc... Ça nous démange, d’imaginer le monde d’après, surtout qu’on a du temps pour y penser actuellement. Il convient néanmoins d’être d’une grande prudence. En effet, on lit beaucoup d’autojustification, chacun tentant de justifier ses positions d’avant sur le thème « je vous l’avais bien dit »… Va-t-on devenir plus sages, plus prévoyants, plus solidaires, ou bien le chacun pour soi, le droit à la futilité, l’égoïsme individuel et collectif reprendra-t-il le dessus ? Tentons néanmoins de poser quelques questions.

Ce texte a été publié en feuilleton en 7 parties sur le site : https://www.stripfood.fr/

Aurons-nous un autre regard sur l’obésité, et mènerons-nous une action collective plus volontariste ?

Tous sont frappés, mais ce sont les hommes âgés et obèses qui en meurent

On voit dorénavant de plus en plus clairement que ce Covid 19 est pénible pour tous, mais fréquemment mortel pour les hommes âgés et obèses (plus autres facteurs de risques fréquemment associés comme le diabète, l’hypertension ou le cancer). En effet beaucoup de personnes obèses présentent des dysfonctionnements immunitaires, un terrain inflammatoire et de la graisse dans les poumons, ce qui s’avèrent dramatiques dans ce cas.

D’où le fait que, par exemple, aux USA, on enregistre davantage de morts chez les noirs que chez les blancs… Ils attrapent la maladie car ils sont souvent plus pauvres que les blancs, plus mal logés et plus entassés, exerçant des métiers manuels et empruntant en transport en commun… Mais ils n’en meurent pas parce qu’ils sont noirs mais parce qu’ils sont plus souvent obèses et en mauvaise santé générale. En effet l’obésité est une maladie des riches des pays pauvres et des pauvres des pays riches. Et dans ce pays de faible protection sociale, les noirs sont moins instruits, plus pauvres, plus souvent sans emploi, moins bien soignés, et donc logiquement davantage obèses et diabétiques, et donc la maladie les frappe plus durement !


Morts par millions d’habitants et pourcentage d’obésité dans la population

Sur le schéma ci-contre, à partir de chiffres de l’Organisation mondiale de la santé, il semble bien que le faible taux de mortalité observé dans les pays du sud-est asiatique comme la Corée, le Japon ou Singapour. (entre 2 et 4 décès par million d’habitants, contre 100 à 300 en Europe), puisse aussi être corrélée avec leur plus faible taux d’obésité (4 à 6 % de la population, contre 20 à 30 % en Europe). Lequel taux d’obésité est lui-même fortement lié à la typologie de leur alimentation (moins de laitages, de sucre, de viande, d’aliments hyper transformés, etc.). Même s’il faut toujours se méfier des conclusions hâtives…

Il est encore très tôt pour dire si la proportion d’obèses dans la population française, qui est nettement plus importante dans le nord et dans l’est de la France, et les banlieues parisiennes, que dans l’Ouest et le Sud, a joué sur le plus grande gravité de la crise dans ces régions, mais ce n’est pas impossible…Face cette maladie respiratoire, finalement c’est encore plus dangereux d’être obèses que fumeur, même si les poumons encrassés par la nicotine sont également d’excellentes proies pour la voracité du virus.

Or, si on ne peut pas agir sur son sexe, son âge ou la couleur de sa peau, on peut le faire, individuellement et collectivement, sur l’obésité, et on voit d’ailleurs que la prévalence de cette maladie peut aller largement du simple au triple suivant les pays.

Il n’est donc pas exclu que cette dure réalité modifie notre attitude individuelle et collective face à cette maladie de civilisation. Aux USA par exemple les fumeurs font l’objet d’une forte intolérance, voire d’une guerre sociale ; on les considère comme des drogués vicieux, alors que dans le même temps, l’acceptabilité sociale de l’obésité est de plus en plus forte (on considère qu’ils sont faibles et malades, donc plus à plaindre qu’à combattre). Résultat : il n’y a plus que 14 % de fumeurs, alors que 40 % des adultes sont obèses (et 52 % des noirs !). En France le rapport est inversé : 26 % de fumeurs et 17 % d’obèses. Preuve que la culture et les priorités des politiques plus ou moins volontaristes peuvent influer fortement sur la santé des gens. Rappelons, exemple parmi tant d’autres, que là-bas, les lobbys ont obtenu deux ans de délai pour mettre en application l’obligation de fournir une carafe d’eau dans les cantines scolaires (pour ne pas perdre le parrainage des fabricants de sodas).

On savait que l’obésité augmentait les risques de maladies cardiovasculaires, de diabète de type 2, ainsi que de plusieurs types de cancer. Maintenant on voit qu’en plus un simple virus peut tuer en quelques jours ceux qui en souffrent !

Il n’est donc pas exclu que les campagnes d’éducation à la nutrition, d’étiquetage obligatoire des produits (type Nutriscore), de taxation du gras et du sucre, de lutte contre la « malbouffe », de soutien aux activités physiques, etc., s’intensifient fortement après le coronavirus ! Tant il est vrai que, si je suis ce que je mange (tout ce que j’ai dans le ventre est rentré par ma bouche), on peut tout aussi bien dire que nous sommes ce que nous mangeons, car la culture culinaire et gastronomique d’un pays influe considérablement sur le tour de taille de ses habitants. Il reste en effet beaucoup de chemin à faire : la vision des longues colonnes de voitures attendant de pouvoir consommer à nouveau leur hamburger MacDo à la réouverture des restaurants drive de cette enseigne laisse songeur !

Comment nourrir de plus en plus de pauvres et les marginaux autrement qu’en recyclant notre gâchis ?

Pendant la crise, nous nous découvrons de gros problèmes d’approvisionnement alimentaire de tous les gens qui sont « à la marge » : travailleurs pauvres, étudiants fauchés, familles monoparentales, chômeurs en fin de droits, travailleurs au noir, sans domicile fixe, réfugiés, etc. Avec la fermeture des cantines scolaires et des restaurants universitaires qui leur donnaient accès à une nourriture pas chère du tout, de très nombreuses personnes viennent rejoindre ceux qui auparavant bénéficiaient de tous les systèmes organisés pour donner une deuxième chance à notre immense gâchis alimentaire : banques alimentaires, restaurants du cœur et autres soupes populaires.

En fait les demandes ont doublé ou triplé, alors qu’en période « normale » 5,5 millions de personnes recevaient déjà ponctuellement ou régulièrement des aides alimentaires ! Parfois c’est des deux côtés : des étudiants qui viennent aider bénévolement et qui demandent aussi à être bénéficiaires !

Rappelons que l’on jette environ le tiers de la nourriture produite dans le monde, soit 1,3 milliards de tonnes, et plus de 200 kilos par personne dans les pays riches. Une bonne partie de cette gabegie vient de nos systèmes industrialisés collectifs. Auparavant, près de 20 millions de français déjeunaient quotidiennement dans les restaurants et cantines, qui ont tous fermé. La plupart des marchés ouverts aussi. Justement là où nos banques alimentaires s’approvisionnaient traditionnellement. Le gâchis s’est déplacé ailleurs, dans les champs lorsqu’on n’a pas pu récolter, ou à domicile, des lieux que nos systèmes solidaires ne sont pas organisés pour toucher.

Moins de produits et plus de besoins dans les centres de distribution de nourriture

On a donc à la fois un afflux considérable de gens et pas assez d’approvisionnement dans les centres de distribution de nourriture, qui en plus manquent de main d’œuvre. Et trop de fruits et légumes, de lait, de viande, de poisson et autres produits périssables ne sont plus récoltés, ou restent invendus.

Aux États-Unis par exemple, les écoles, les universités, les restaurants, les bars et les cantines n’achètent plus de lait, de viande, de fruits, de légumes et d’autres aliments, entraînant des baisses de prix des céréales et du bétail dans une spirale infernale. Dans le même temps, des dizaines de millions d’Américains se retrouvent au chômage, l’économie est en grande partie paralysée, et de longues files d’attente se sont formées devant les banques alimentaires. L’administration Trump, dans le souci aussi de soutenir sa forte base électorale chez les agriculteurs, s’est associé à des distributeurs régionaux et locaux pour acheter pour 3 milliards de dollars de produits agricoles qui ont vocation à être distribués aux banques alimentaires, aux églises, ainsi qu’à des organismes d’aide. Pour commencer, elle prévoit d’acheter pour 100 millions de dollars par mois de fruits et légumes frais, pour 100 millions de produits laitiers et 100 millions de viandes, ce qui occasionne d’énormes problèmes logistiques ! Trump qui se met à nourrir les pauvres, on aura tout vu ! On ne voit pas (encore) se dessiner de tels programmes dans l’Europe, pourtant réputée plus sociale, mais il est probable qu’on y viendra si le déconfinement traine.

On commence à peine à voir se dessiner de tels programmes en Europe, et en France, à la fois pour soutenir les producteurs (aide au stockage de lait et de viande), les associations alimentaires (25 millions de subventions débloquées par la France le 23 avril), les territoires les plus en souffrance (14 millions) et directement les personnes fragilisées (distribution de chèques d’urgence alimentaire, aide exceptionnelle aux 4 millions de bénéficiaires du RSA et de l’allocation de solidarité spécifique), etc.

Tout cela oblige à revoir l’ensemble des systèmes d’aides alimentaires aux plus démunis. Et à observer que, si on arrive à diminuer drastiquement notre taux de gâchis, ce qui serait une excellente nouvelle pour la Planète, il conviendra d’organiser d’une manière ou d’une autre un approvisionnement alimentaire à la source pour les plus démunis, qui de fait vivaient pour partie du recyclage des excès de ce même gâchis !

Faut-il continuer faire ramasser nos fruits par des saisonniers immigrés, en France ou en Espagne, ou les payer plus cher ?

Le blé se récolte avec d’immenses moissonneuses batteuses capables de récolter 25 à 30 hectares par jour, soit plus de 200 tonnes de blé engrangés, ce qui ne requière que le travail de deux personnes (une sur la moissonneuse, une sur le tracteur). Pareil pour le maïs. Et même pour les pommes de terre, qu’il faut quand même aller chercher sous terre : on arrive à récolter un hectare en à peine plus d’une heure, et deux personnes peuvent récolter 2 à 300 tonnes dans une journée ! Donc le confinement n’affectera absolument pas ces récoltes.

Certaine légumes de plein champ sont maintenant récoltés mécaniquement, comme le petit pois et le haricot vert (compter 3 à 5 heures par hectare), ou le poireau et la carotte (10 à 20 heures par hectares), ou encore la betterave et l’oignon (2 à 5 heures par hectare). Là encore, pas d’incidence du confinement. De même, les vendanges sont de plus en plus mécanisées (même dans le bordelais on observe 80 % de mécanisation !).

Les tomates de plein champ destinées à faire du coulis ou du concentré peuvent aussi être récoltées mécaniquement, à raison de 50 tonnes à l’heure, car on n’a pas peur qu’elles prennent des coups, mais absolument pas celles destinées à la consommation. Ces dernières sont ramassées à la main, tout comme les courgettes (50 kilos à l’heure), et donc là il faut de la main d’œuvre.

Les fruits, eux, se récoltent majoritairement à la main. Au moins tous ceux qui nécessitent une expertise visuelle pour voir dans chaque cas s’ils sont murs : les fraises et autres fruits rouges, les melons, les pêches, abricots et prunes, les pommes et les poires, etc. Comme la saison de la récolte est très courte et que les exploitations sont très spécialisées pour des raisons d’efficacité, ce sont au total 280 000 travailleurs saisonniers qui débarquent dans nos serres et vergers chaque année. Malgré le fait qu’on ne produit dorénavant que la moitié de nos fruits dans l’hexagone (mais les producteurs espagnols qui fournissent une bonne part de l’autre moitié ont exactement le même problème !).

Ramassage d’asperges

La terre est basse, et ce travail, pour s’exercer au bon air et la plupart du temps sous le soleil, reste très dur, et en plus fort mal payé. On considère par exemple qu’il faut attendre 10 jours en ayant très mal au dos avant que le corps s’habitue (plus ou moins) à ramasser les melons à terre. Résultat, la plupart des français abandonnent dans cette période de 10 jours, et au total 80 % de ces saisonniers agricoles sont immigrés, de l’est (bulgares, roumains, polonais, etc.) ou du sud (marocains, tunisiens, sénégalais, etc.). En plus les conditions de logement de ces travailleurs sont souvent insalubres, entassés et précaires, peu séduisantes pour des français (et cette année pour éviter le Covid).

Et là, choc total du coronavirus : les frontières se ferment, on oblige à fournir aux travailleurs des conditions sanitaires nouvelles… et il n’y a plus personne pour ramasser les fraises et les asperges ! On a fait appel à des chômeurs partiels provisoires français, et beaucoup se sont inscrits sur le site https://desbraspourtonassiette.wizi.farm/ , mais il reste à prouver que les difficultés logistiques et sanitaires puissent être résolues, et que la pénibilité du travail ne sera pas un obstacle pour transformer les envies soudaines de rejoindre la terre en vocations durables, surtout lorsque la France commencera à sortir du confinement.

On découvre ainsi que nous sommes devenus doublement dépendants pour nos fruits : nous les importons massivement, et ceux qui sont produits en France, soit à peine la moitié de notre consommation, sont ramassés par des étrangers (idem pour ceux du sud de l’Espagne) ! La crise passée, voudrons-nous, saurons-nous, revenir en arrière ? Car cela a un coût direct : cela ne pourra se faire que si nous acceptions de payer plus chers nos fruits ; chacun peut voir dans son supermarché que la fraise de Bretagne est plus chère que celles d’Espagne ou du Maroc, car nos coûts de production et de main d’œuvre sont nettement supérieurs, et ils ne peuvent qu’augmenter si à l’avenir ce seront majoritairement des français qui se chargeront de la récolte, payés au moins au salaire minimum français, et correctement logés !

Ce n’est pas un effort considérable, si on considère que les fruits et légumes ne représentent actuellement « que » 12 % de la valeur de nos achats alimentaires… mais voudrons-nous collectivement le faire sur la durée, une fois la crise passée ? Nous pouvons tout aussi bien redevenir amnésique et exiger à nouveau la nourriture la moins chère possible, quelles qu’en soient les conséquences.

Face à cette crise, voulons-nous plus d’Europe ou moins d’Europe agricole ?

La Politique agricole commune a été absolument fondatrice dans la construction européenne ; à l’heure actuelle, c’est même la vraie seule grande politique qui a été menée avec constance depuis le début de l’Europe des six en 1957, et elle occupe encore une bonne part du budget commun. Cette crise donne l’occasion d’en faire en quelque sorte un bilan à chaud.

Disons-le, aujourd’hui, ce bilan est très positif : malgré le confinement, la désorganisation logistique, la fermeture de tous les restaurants et cantines, et les difficultés de toutes sortes, etc., on mange à sa faim partout en Europe et on n’a pas vraiment peur de manquer ! Les camions de nourriture continuent à franchir les frontières et à approvisionner nos marchés. Et on se félicite de constater que, mis à part les protéines végétales et les produits tropicaux, nous sommes collectivement largement autosuffisants, alors qu’individuellement peu de pays le sont. L’union a réellement fait la force. Nous sommes 446 millions, beaucoup habitent dans des pays qui ne produisent pas assez de nourriture, comme la Grande Bretagne, la Suède et la Norvège, ou la Suisse, et, après l’affolement des premiers jours de confinement, et malgré la fermeture de nombreux marchés, personne ne craint la pénurie !

Nous nous sommes dotés d’outils de régulation des marchés et d’amortissement des crises climatiques, sanitaires ou économiques plutôt performants. C’est plutôt la peur de les utiliser à fond qu’on peut parfois déplorer. Par exemple, la réglementation de la PAC accorde des « pouvoirs spéciaux » à la Commission européenne pour en réguler le fonctionnement défaillant, en agissant directement sur les marchés agricoles, quitte à déroger au droit de la concurrence. Mais… elle hésite à les utiliser actuellement, où se conjuguent pourtant dans certains secteurs comme le lait et les fruits, baisse des prix et surproduction, et ce probablement pour des années ! Allons-y, ce n’est pas le moment de faire du surplace.

Mais soyons objectifs et sachons reconnaître ce qui marche : malgré ses lourdeurs, bravo l’Europe, qui est aujourd’hui notre vraie patrie pour la nourriture ! Et ce serait absolument dramatique de brader cet acquis si positif en prenant prétexte des failles évidentes de solidarité sur d’autres plans, comme l’accueil des réfugiés, la gestion non concertée de cette crise du Covid, et maintenant le financement de la relance. Va-t-on jeter le bébé avec l’eau du bain ? Car, depuis des années, il est de bon ton de critiquer la Politique agricole commune, trop productiviste, pas assez écologique (ou trop), trop lente, trop libérale, trop interventionniste, trop pointilleuse, concentrée sur des détails, trop ouverte, trop fermée, trop chère, inféodée à divers lobbies, etc. Mesurera-t-on ce qu’aurait été une crise du Covid sans la PAC ? Voit-on à quel point des pays comme les USA interviennent fréquemment et fortement pour soutenir leurs agricultures et leurs agriculteurs ?

Une crise alimentaire gravissime menace dans les pays du sud, et particulièrement en Afrique, ce n’est pas le moment de tergiverser.

Or, nous sommes justement en train de redéfinir la nouvelle PAC pour les prochaines années ! Ira-t-on vers plus de solidarité pour affronter en commun les défis alimentaires et écologiques qui nous attendent ? Saurons-nous nous concentrer sur l’essentiel : comment nous organiser au mieux pour que tous les européens puissent continuer à manger régulièrement, sainement et à coût abordable, sans réchauffer la planète, et que nos paysans puissent en vivre correctement ?

L’élevage européen doit-il continuer à compter sur les agriculteurs sud américains, ou allons-nous nous mettre à produire nos propres protéines végétales ? Combien mangerons-nous de viande et à quel prix ?

L’Europe agricole est globalement autosuffisante, sauf pour les produits exotiques bien sûr (café, cacao, fruits tropicaux, etc.)… et pour l’alimentation animale. En fait nos poulets, nos cochons, nos canards et même nombre de nos vaches mangent quotidiennement du soja et du maïs argentin, brésilien ou paraguayen ! En plus… transgénique !!!

Usine de fabrication d’alimentation animale

En ce début de crise du Covid, les cargos continuent à traverser l’Atlantique et à décharger ces précieux grains à Lorient, St Nazaire ou Sète. L’Europe importe ainsi 33 millions de tonnes de soja par an, dont un dixième pour la France. Pour se rendre compte de l’énormité de ces transferts, réalisons que ce soja que nous achetons couvre près de 20 millions d’hectares outre Atlantique, soit l’équivalent de la surface agricole française. En quelque sorte, nous avons décolonisé au XXe siècle… sauf pour nos bestiaux, pour lesquels nous avons conservé l’usage des champs couvrant l’équivalent d’un grand pays ! Et en plus nous nous scandalisons quand M Bolsonaro couvre les incendies en Amazonie, incendies allumés en bonne part pour ouvrir des nouveaux champs de soja !

Les solutions de substitution européennes existent, bien sûr, à commencer par les oléo-protéagineux (colza et tournesol) mais aussi les légumineuses à graines (pois, féverole, lupin) et les légumineuses fourragères (luzerne, trèfles, sainfoin, lotier). Ce qu’il manque depuis des décennies : la volonté politique. Tirerons-nous les leçons de notre vulnérabilité dans nouvelle Politique agricole commune en lançant un grand plan de production de protéines végétales ?

Il y a justement un créneau favorable : la consommation de viande et de lait a commencé à baisser et va continuer à le faire sur notre continent. Elle n’avait cessé d’augmenter, passant en France de 30 à 100 kilos annuels par personne (de viande et de lait) au XXe siècle. On a fait comme si cette progression était indéfinie. Bien entendu, elle ne l’était pas : on n’allait évidemment pas passer progressivement à 200 ou 300 kilos annuels par personne ! Le retournement a commencé dès l’an 2000,quand les détracteurs des produits animaux ont commencé à trouver une écoute dans la population : les « protecteurs » des animaux qui dénoncent les violences dans les élevages et les abattoirs, les nutritionnistes et diététiciens qui soulignent les dangers des excès d’une alimentation trop riche, et les écologistes qui redoutent l’accaparement des ressources et le réchauffement de la planète

 Bref nous sommes redescendus à 90 kilos de lait et 85 kilos de viande. Cette baisse, qui provoque une énorme crise dans un élevage majoritairement tourné vers la quantité, n‘est que le début d’un mouvement de fond. Il n’est pas exclu qu’à terme nous ne consommions plus que 50 à 60 kilos de ces produits, et que les baisses à venir représentent deux à trois fois celles qui ont déjà été enregistrées !

Il faut donc massivement se tourner vers la qualité : produire et consommer moins, mieux, valorisé plus cher (comme on a fait pour le vin, quand on est passé de 140 litres annuels par personne dans les années 50 à seulement 40 actuellement… mais avec un chiffre d’affaire de la viticulture qui a quand même augmenté !).

La crise et le confinement Covid ont brusquement accéléré le processus : on consomme nettement moins de ces produits depuis deux mois. Cette baisse sera-t-elle réversible ? Va-t-on à terme ne produire en France que les animaux qu’on pourra nourrir avec les végétaux français, et ce sous signe de qualité ? Les consommateurs accompagneront-ils le mouvement en acceptant de payer plus cher ce qu’ils achèteront en plus petite quantité, mais avec davantage d’exigences de qualité, de respect de l’environnement et d’indépendance nationale ?

Va-t-on accélérer ou ralentir la transformation de notre agriculture « tout chimie tout pétrole » en une agriculture agroécologique ?

Notre agriculture française, et européenne, est la plus efficace au monde. Nous avons massivement augmenté sa productivité… Nous sommes passés en moyenne de 25 à 75 quintaux de blé à l’hectare (on parle encore en centaines de kilos dans cette profession), de 35 à 95 quintaux pour le maïs, et de 150 à 420 quintaux pour la pomme de terre (soit 42 tonnes à l’hectare).

Notons cependant que ces progrès n’ont eu lieu que dans la période 1950-1990. Ils étaient dus à la conjugaison de l’amélioration génétique (semences sélectionnées), et de l’utilisation massive des engrais, fongicides, herbicides et insecticides de plus en plus efficaces, plus l’irrigation.

Les rendements stagnent, que ce soit dans le blé traditionnel ou le blé bio !

Mais cette progression s’est arrêtée au début des années 90. En fait, depuis 30 ans, les rendements n’augmentent plus ! Ni pour les agriculteurs « chimiques » qui restent désespérément autour de 75 quintaux de blé, ni pour les bios, qui stagnent également autour de 30 quintaux. C’est qu’en fait les inconvénients de cette agriculture ont vite rattrapés ses avantages.

Il faut donc passer radicalement à une autre agriculture ! u

  • Une agriculture intensive car nous avons 7,6 milliards de terriens qui veulent se nourrir et que demain ils seront 10 milliards. Sans vouloir nourrir toute l’humanité depuis la France, il est logique et raisonnable que les pays qui peuvent produire plus que ce qu’ils consomment continuent à « faire un peu de rab », quand, à tord ou à raison, de nombreux pays n’arrivent pas à atteindre l’autosuffisance alimentaire. Par exemple, maintenant que l’approvisionnement de l’Europe est sécurisé, on peut aussi regarder le bassin méditerranéen. Il se trouve que les pays de la rive sud de ce qui devient avec ce nouveau regard notre mer intérieure, ne pourront jamais plus se nourrir complètement, surtout avec le réchauffement climatique : l’Algérie, la Libye, l’Egypte, la Syrie, etc. Et, si nous voulons vivre en paix et limiter l’afflux de réfugiés sur nos plages, il est de notre simple intérêt de remplir des cargos de blé à Rouen ou Sète pour approvisionner Alexandrie… Que la bassin parisien continue donc à faire intensivement du blé !
  • Mais aussi une agriculture écologique, qui devient seulement possible maintenant que les progrès de la science vont faire fondre notre ignorance. C’est parce qu’on était tout simplement incapables de visualiser les 4 000 espèces de bactéries et les 2 000 espèces de champignons qui peuplent chaque gramme de nos sols, ou les 230 millions d’êtres vivants qui se trouvent sous chaque m2 de terre agricole qu’on les remuait et les neutralisait par des épandages de pesticides. Une manière somme toute bien primitive d’entrer en relation avec la nature. Si les seules bactéries qui sont dans nos champs pèsent 1 200 fois le poids de l’humanité entière, elles doivent bien servir à quelque chose. On estime qu’il y en a plus de 100 000 espèces rien que dans les sols français ! Et on peut observer que les deux systèmes de production de matières végétales les plus efficaces au monde, la foret tropicale et le prairie naturelle, n’ont jamais vu une charrue, ni un engrais ni un pesticide !

Dans cette agriculture écologiquement intensive… on arrête de labourer pour profiter du rayonnement solaire 12 mois sur 12. Les « laboureurs » deviennent des « éleveurs de vers de terre », qui font au moins deux récoltes par an : une de nourriture et une d’engrais, via les « plantes de couverture » qu’ils cultivent entre deux récoltes de céréales ou légumineuses. On en terminera également avec les engrais minéraux achetés, dorénavant on les cultivera. De même pour les herbicides, via des « plantes de service » qui nous rendront ce service. Et on élèvera nos insecticides, via des « animaux auxiliaires de culture », coccinelles, carabes, mésanges, chauve-souris, chouettes ou hérissons, qui, par exemple, mangeront les prédateurs de nos cultures. On replantera des arbres partout, via l’agro-foresterie. Et si on ne peut plus arroser ni irriguer, faute d’eau dans nos rivières l’été, on stockera l’eau de pluie dans et sur nos propres champs plutôt que de la balancer immédiatement dans la mer, pour qu’elles serve directement à nos plantes l’été.

Il s’agit d’une transformation majeure du plus vieux métier du monde ! Elle est inéluctable si nous voulons tout simplement nourrir nos petits enfants. A l’heure des remises en cause liées au déconfinement, va-t-on accélérer cette révolution, ou bien la remettre aux calendes grecques, ce qu’on a soigneusement fait dans les dernières années (malgré la percée incontestable de la bio, qui reste cependant très, très minoritaire) ?

Les agriculteurs nous ont nourri pendant la crise, va-t-on les conforter en les aidant à solutionner l’autre problème majeur : le réchauffement climatique

Tous les politiques et experts (ou presque) nous disaient depuis des années que la mondialisation, la croissance, l’industrialisation, la déforestation, la pollution des océans, la baisse de la biodiversité, etc. étaient inéluctables, et que rien ne pourrait les arrêter, … et nous venons de découvrir qu’il y avait en fait une poignée rouge bien cachée dans notre planète, et qu’on pouvait tout arrêter du jour au lendemain, avec des conséquences incalculables à ce jour…

Or le coronavirus n’est qu’un petit problème ponctuel et provisoire en comparaison des « vrais » problèmes du XXIe siècle que sont principalement le réchauffement de la planète et l’épuisement des ressources, en particulier celles de la biodiversité. Il a seulement « l’avantage » de faire très peur à court terme ; or il a tué en deux mois en France un peu moins de 30 000 personnes, alors que notre pays déplore 600 000 morts par an, 50 000 par mois, et encore, à l’heure du bilan total, il faudra porter à son « crédit » tous les décès évités : accidents de la route ou du travail, pollution atmosphérique (48 000 morts par an paraît-il !), etc.. Les réactions et mesures de précaution que nous avons prises, pour le moins vigoureuses, ont permis d’éviter de pire : un débordement total de nos hôpitaux et, parait-il, plus de 65 000 morts supplémentaires, bravo à tous, poursuivons ensemble la prévention tant qu’il n’y a ni vaccin ni médicaments.

A l’échelle mondiale, on en est à 300 000 morts en trois mois, un chiffre très largement sous-estimé vu le manque de transparence d’un grand nombre de pays. Mais… on a déploré 15 millions de décès « ordinaires » pendant le même trimestre, et n’oublions pas qu’il meurt quotidiennement 21 000 personnes de faim sur Terre, un enfant toutes les 10 secondes, dans l’indifférence générale, et que ces derniers chiffres risquent d’augmenter considérablement avec les problèmes économiques et logistiques gigantesques induits pas le confinement…

Cependant, pendant la crise, le climat continue sa dégradation. Même si ce fut agréable de vivre en France un mois d’avril à 3°C de plus que la normale, et le 11e mois de suite dans ce cas, cela reste très inquiétant et annonce des canicules et des sécheresses probables cet été, qui vont fortement affecter l’agriculture !

Un mois d’avril nettement plus chaud que la moyenne dans la plupart des régions de France, comme tous les mois qui l’ont précédé !

Les autres problèmes à venir, ceux qui vont s’aggraver avec le dérèglement climatique, se présentent comme des menaces vagues, à long terme, et surtout pour « les autres », principalement dans les pays tropicaux (ceux qui ont des cyclones, des sécheresses, des incendies majeurs, des inondations catastrophiques, des nuages de criquets, etc.). Pourtant ils vont très probablement occasionner beaucoup plus de morts ! Est-ce que cet avertissement solennel du Covid 19 changera durablement notre rapport à la planète, à la nature, aux océans, aux forets vierges, aux terres agricoles, etc., et qu’on appliquera collectivement la même énergie stupéfiante qui nous a fait vigoureusement tirer le signal d’alarme à la construction collective d’un avenir plus durable, plus humain, plus raisonnable ?

Rien n’est moins sûr, car vu l’ampleur de la crise économique qui s’annonce, il apparaîtra plus facile de redémarrer comme avant, en tentant de parer au plus pressé comme on sait déjà le faire, et ensuite, seulement ensuite, passer au problème suivant ?

Exemple typique : faut-il renflouer à l’identique et sans se poser de question les industries automobiles et aéronautiques, pour éviter qu’elles ne sombrent en entrainant des pans entiers de l’économie et de l’emploi ? Subventionner massivement « l’économie d’avant » en espérant retrouver le bon vieux temps du « business as usual », quand ça coûtait moins cher de prendre l’avion de Paris à Marseille que le TGV, et quand le poids des voitures, majoritairement utilisées en ville par une seule personne sur de courtes distances, était passé de 500 à 1 500 kilos ? Avec juste quelques ajustements, du type relocalisation d’une partie de l’industrie pharmaceutique et des masques en Europe, de nouveaux investissements dans nos hôpitaux et une touche de social ?

Ou bien cette période d’arrêt nous aura-t-elle rendu plus raisonnables, plus soucieux du long terme ? On avait l’impression que nous pourrions acheter des masques de protection rapidement en Chine en cas de besoin, va-t-on faire comme si on pourra pragmatiquement et efficacement aviser le moment venu lorsqu’on aura une vraie catastrophe climatique ? Va-t-on tenter de réindustrialiser en partie la France (au moins dans le médical) en observant que l’Allemagne, qui elle n’a pas perdu son industrie, déplore près de 5 fois moins de morts que la France pour une population plus nombreuse, possède 3 fois plus de lits de réanimation et pratique 3 fois plus de tests… Si oui, avec des industries du XXIe siècle, ou bien à la mode du XXe ?

Va-t-on prendre conscience que notre agriculture et notre système agroalimentaire, eux, ont magnifiquement « tenus », et qu’ils représentent un acquis considérable : l’économie s’est arrêtée, mais les 440 millions d’européens ont pu continuer manger, presque comme avant, et sans grosse inquiétude ! Ce n’est pas le moment de brader un système qui a fait ses preuves.

Dans les dernières années, certains estimaient que l’Union européenne devrait prendre la tête de la lutte contre le dérèglement du climat et qu’il fallait y mettre le paquet. Un chiffre astronomique a été avancé : 1 000 milliards d’euros d’investissements dans ce secteur de l’économie décarbonée. Même si on avait dépensé plus que cela pour seulement sauver les banques en 2008, cela paraissait un chiffre tellement astronomique que c’en était déraisonnable. Et aujourd’hui, juste pour éviter un effondrement social et économique, on sort de telles sommes du chapeau en quelques semaines, voire même 1 500 ou 2 000 milliards ! C’était donc possible ! Mais… peut-on faire deux fois le coup ?

Les agriculteurs doivent être rémunérés deux fois, pour nourrir et pour refroidir la planète

Si on veut vraiment s’atteler à la fois à la nécessaire relance économique et à la construction d’une économie qui réchauffe moins et qui épuise moins la Nature, cela passe, entre autres mais nécessairement, par une nouvelle agriculture, aussi efficace que l’ancienne pour nous nourrir, mais qui en plus puisse régénérer la planète. Car qui peut vraiment protéger la biodiversité, et fixer du carbone dans les sols pour refroidir la planète, sinon les agriculteurs ? Le défi climatique ne pourra se gagner que s’ils sont en première ligne ! Par exemple, on s’est aperçu qu’il nous reste 3 000 milliards d’arbres sur terre, et que, pour la refroidir, il faudrait en replanter 1 000 milliards de plus ; on ne pourra pas le faire sans les agriculteurs…

Va-t-on inciter, favoriser, aider, subventionner, etc., la transition vers une agroécologie intensive décarbonée : couverture permanente des sols, agroforesterie, plantation de haies, baisse radicale des engrais minéraux et des pesticides chimiques, retour à une forme de polyculture-élevage un peu partout, diminution de l’élevage, raccourcissement des chaines alimentaires, etc.

Et c’est quand même une bonne nouvelle de constater que cette nouvelle agriculture agroécologique peut tout faire à la fois : nourrir efficacement l’humanité, augmenter la fertilité et la biodiversité des sols, et refroidir la planète en fixant de grandes quantités de carbone atmosphérique via une nette augmentation de la photosynthèse. En contournant habilement les obstacles psychologiques et organisationnels, nous pourrions y arriver assez rapidement, d’autant plus que, du point de vue scientifique, c’est le moment : nous apprenons seulement maintenant à mieux connaître la vie des sols et allons pouvoir la favoriser plutôt que de s’en méfier !

Les agriculteurs doivent dorénavant accomplir non plus une mais deux missions absolument vitales, et on devrait donc inventer des systèmes originaux et volontaristes pour financer chacune des deux :

  • Bien nourrir l’humanité, malgré le réchauffement et sans réchauffer,
  • Et refroidir la planète, en fixant dans et sur leurs terres un maximum de carbone atmosphérique.

A propos BrunoParmentier

Bruno Parmentier : Consultant et conférencier sur les questions d’agriculture, alimentation, faim dans le monde et développement durable. Président ou administrateur d’ONG et de fondations. J'ai dirigé de 2002 à 2011 le Groupe ESA (École supérieure d'agricultures d'Angers). Ingénieur des mines et économiste, j'avais auparavant consacré l'essentiel de mon activité à la presse et à l'édition. J'ai eu ainsi l'occasion de découvrir à l'âge mûr et depuis un poste d'observation privilégié les enjeux de l'agriculture et de l'alimentation, en France et dans le monde. Il en est sorti quatre livres de synthèse, un sur l'agriculture, l'alimentation, la faim et le réchauffement climatique. Des livres un peu décalés, qui veulent « sortir le nez du guidon » pour aller aux enjeux essentiels, et volontairement écrits avec des mots simples, non techniques, pour être lisibles par des « honnêtes citoyens ». Ce blog prolonge ces travaux et cette volonté d'échange. Il est également illustré par une chaine YouTube http://nourrir-manger.com/video
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4 réponses à Imaginer l’agriculture et l’alimentation d’après

  1. Ody dit :

    Bonjour, Merci pour votre article, très intéressant. Cependant, je m\\’interroge sur deux points, qui sont liés. Sur la capacités des pays de l\\’Arc méditerranéen à produire (au moins une partie de) leur alimentation. Ne faut-il pas reconnaître qu\\’un certains nombres de pays arabes (Algérie, Tunisie, Libye, Egypte,…) ont abandonné leur agriculture au profit d\\’une spécialisation très forte, qui dans le pétrole, qui dans le tourisme, qui les mets aujourd\\’hui à mal. Le Maroc s\\’en sort plutôt un peu mieux, car il a su préserver une agriculture familiale qui joue un rôle de filet de sécurité lors des crises. Sans dire que cette transition soit facile ou possible immédiatement, plutôt que de continuer à inonder ces pays des productions agricoles européennes (et américaines pour l\\’Egypte, très dépendant de l\\’\\ »aide\\ » des USA), ne faudrait-il pas les accompagner vers plus de souveraineté alimentaire? Sur les céréales produites dans le bassin parisien, on a quant même un sacré problème lié à la monoculture. Même en généralisant le non-labour, si le désherbage se fait massivement avec du glyphosate et si ces productions ne se dégagent pas de leur dépendance aux pesticides, la biodiversité n\\’est pas prête de revenir… De plus, ce mode de production avec des fermes à plusieurs centaines de milliers d\\’hectares pour un seul travailleur est très dépendant des cours du pétrole (mécanisation, engrais de synthèse, logistique,…) qui risquent de devenir très volatile. Sans compter enfin sur les risques sanitaires liés à l\\’utilisation de très peu de variétés de céréales, qui sont donc vulnérables à l\\’apparition d\\’un parasite ou d\\’une maladie… Bref, ne serait-il pas plus sûr que toutes les zones de plaines aient des cultures de céréales et que le bassin parisien se diversifie aussi un peu vers la polyculture-élevage?Cordialement

    • BrunoParmentier dit :

      Merci de vos réactions pertinentes.
      J’ai fait récemment une tournée de conférences en Algérie et j’ai pu constater que ce pays semble se mettre enfin à des investissements dans l’agriculture. Vaut mieux tard que jamais ! Ce pays peut certainement diminuer sa dépendance alimentaire, mais probablement pas l’éliminer totalement. Mais le cas du Maroc, qui a une balance équilibrée (il vend autant de fruits qu’il importe de céréales) est encourageant… Quant à l’Égypte, c’est radicalement impossible qu’il arrive à se nourrir seul ; il n’a pas assez de terres cultivables.
      Diminuer la spécialisation exclusive des terroirs agricoles me semble effectivement une bonne idée ; un peu d’élevage dans le bassin parisien et davantage de céréales en Bretagne par exemple !
      L’agriculture écologiquement intensive ne doit pas être assimilée à une forte consommation de glyphosate. On peut cultiver sans labour et avec peu de désherbant, et avec davantage de biodiversité.

  2. Jean-Baptiste dit :

    Bonjour, je suis agriculteur / éleveur de bovins et de volailles dans les plaines de Champagne. Je pense qu’une facette de notre élevage est sous-exploitée :- La mode est à parler d’économie circulaire- Fondamentalement, nous sommes des producteurs d’énergie et notre but est d’optimiser- Contrairement au consommateur, nous produisons peu de déchets mais nous valorisons des co-produitsJe vais prendre un exemple, voici comment l’élevage de bovins en stabulation est vu par certains citoyens et quelques journalistes détracteurs : « C’est pas bien », ces animaux ne sortent pas dehors et ils sont nourris avec des aliments achetés à l’extérieur.L’image de notre élevage bovins vu sous un angle rationnel :- Alimentation 100 % (ou proche) « co-produits »- Animaux en stabulation, protégés du soleil dans des bâtiments ventilés naturellement- Consommation d’eau limitée à 19 litres / jour soit 17 litres / kg de carcasse produit- Favorise l’économie circulaire : o Pulpe de betteraves issues des betteraves produites localement et acheminées en campagne par retour camion o Aliments concentrés fabriqués par la filiale de notre coopérative céréalière avec incorporation majoritairement de coproduits issus d’usines locales (idem coop) et source de protéine locale non OGM – Nombre de kilomètres réduit et, en partie, avec optimisation logistique : retour camions Betteraves/pulpes, Aliments / Céréales- Participe à notre autonomie fertilisante sur les exploitations (moins d’engrais de synthèse et recours plus limité au engrais organiques importés).- De nombreux emplois créés : Les co-produits aident les filières à conforter leurs résultats et de nombreux acteurs gravitent autour pour apporter leurs services : Emplois directs sur l’exploitation, Vétérinaires, Sociétés de transports, Livreurs, Laboratoires, Chambres d’agriculture, Centres de formations, Artisans locaux, Concessionnaires, Magasins d’outillage et de bricolage.Toutes nos coopératives et les politiques (à tous les niveaux) en recherche de « RSE » (Responsabilité sociétale des entreprises) devraient participer à cette communication positive qui aurait pour but de montrer qu’il ne faut pas confondre optimisation et productivisme, ni opposer intensification et valorisation locale de co-produits, etc.J’ai apprécié M. Parmentier votre intervention sur France Inter le 22 avril 2020 (« Le téléphone sonne »). Vous montrez avec pertinence l’importance des enjeux alimentaires dans le maintien de la paix dans le monde. Vous avez raison de montrer au public et aux journalistes qu’il ne faut pas opposer circuit-courts et agriculture moderne et productive. Pour reprendre votre exemple, s’il fallait nourrir les parisiens en circuit-court pour les œufs, il en faudrait 8 millions par jours, ce qui est impossible. N’opposons pas les agricultures, chacune a une raison d’exister sur son marché et donnons nous les moyens de poursuivre nos investissements vers plus d’autonomie alimentaire, vers davantage de rendement ramené aux kg d’intrants consommés. C’est comme pour un budget, on ne fonde pas durablement un budget sur des économies mais plutôt sur un ratio « Production/consommation ». Alors, le fait d’intensifier raisonnablement ici, permettra de ne pas déboiser là-bas.Participons ensemble à ce projet agricole commun et maintenant ici de la sécurité alimentaire et de la valeur ajoutée locale.Merci.

    • BrunoParmentier dit :

      Bonjour Monsieur Guichon,
      Merci pour vos encouragements, et votre témoignage si positif !
      Et bravo pour ce que vous faites ; c’est pour des gens comme vous que je parle dans les médias !
      restons en contact.
      Bruno Parmentier

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