La consommation des chips a augmenté de 42 % dans les dix dernières années en France ! Une très mauvaise nouvelle pour notre santé, et pour notre culture et notre légendaire gastronomie. Sommes-nous vraiment condamnés à la malbouffe à l’américaine, et à l’obésité et aux maladies qui en découlent ? Y a-t-il des alternatives ? Tentons de comprendre ce qui se passe. D’autant plus que dans le même temps la consommation des tomates cerises a augmenté de 50 % !
Contenu de l'article
Le boom des chips en dit long sur la dégradation de notre état psychique et de notre façon de manger
Nous assistons à un véritable boom des chips en France. Entre 2014 et 2024, leur consommation a bondi de 42 %, selon les données du panéliste Circana !

Il n’y a qu’à voir la taille énorme des rayons consacrés à ce produit dans le moindre supermarché pour se rendre compte du phénomène.
Mais très probablement ce n’est pas fini : nous n’en sommes qu’à 1 kg par français et par an, contre 2,6 kilos par anglais !
Bret, Lay’s, Vico, Tyrrells, etc. : la concurrence est intense et les politiques marketing font fureur, en particulier sur la création de chips aromatisés toujours plus « originales », et plus chères naturellement, qui représentent dorénavant près de la moitié des achats (le marché de la chips traditionnelle « nature » est pratiquement cantonné dorénavant aux marques distributeurs).
Les crises successives mettent à mal les nerfs des Français, les poussant à épargner davantage et consommer moins. En ces temps de morosité, d’anxiété et d’inquiétude, ils rognent donc sur leur nourriture. En particulier leur consommation de viande diminue fortement (ce qui est, au passage, une excellente nouvelle pour la planète !), tout comme le bio (là, c’est moins bon pour la planète !), et leurs achats de produits des marques distributeurs croissent fortement.
Mais, pour résister à la sinistrose ambiante, ils ont également besoin de réconfort, de petits plaisirs, de mini parenthèses enchantées, de « snacking » à grignoter en dehors des repas, au cinéma, devant la télé ou un match de foot. Chips, gâteaux d’apéritifs, cacahuètes, pâtes à tartiner, biscuits, produits chocolatés, pop-corn, etc. remplissent le rôle autrefois dévolu aux seuls bonbons. Avec, bien entendu, force boissons sucrées ! On dit qu’actuellement un enfant des classes populaires a déjà consommé avant de rentrer au collège autant de boissons sucrées que son grand père pendant toute sa vie !
C’est que la chips ne sert pas à se nourrir, mais à se rassurer, à se cocooner. Tout comme la tablette de chocolat (on en a vendu 24 millions de plus en 2024 !). Songeons que les vendeurs ont même réussi à faire croire à certains qu’il s’agit d’une consommation de légumes !
Les chips ne sont pas vraiment des aliments
Quand on mange des chips, surtout aromatisées, on « croit » manger des pommes de terre. Grave erreur, il n’y a que la moitié du paquet qui est issu de ce tubercule ! Il s’agit en fait typiquement d’un aliment ultra transformé qui peut contenir une vingtaine d’éléments différents, dont on peut avancer que la plupart ne sont absolument pas indispensables pour être en bonne santé…, mais dont certains ont été justement rajoutés pour provoquer une addiction.


En fait il se passe pour les chips la même chose que pour le tabac : certains fumeurs rêveraient de fumer des cigarettes bio naturelles, mais ça n’existe pas. Il y a 2 500 produits différents dans une cigarette, qui se transforment en 4 000 composants dans la fumée ! Et la majorité sont carrément nocifs pour la santé, et addictifs. Résultat, les fumeurs persistent, alors qu’en moyenne chaque cigarette raccourcit leur vie de 10 mn, plus de temps que celui qu’ils passent à la fumer !
En fait les chips, surtout aromatisées, tout comme les boissons sucrées, peuvent provoquer une véritable addiction à la nourriture, une « hyperphagie hédonique » ou « alimentation émotionnelle« .
Des scientifiques de l’université de toxicologie de Nuremberg ont ainsi effectué des tests sur des rats pour déterminer ce qui provoquait ce désir compulsif de manger. Par imagerie cérébrale, ils ont pu constater une augmentation d’activité dans la partie du cerveau qui correspond au système de récompense.
Au-delà de nous cocooner, puis de nous rendre accros, les chips sont en fait excellentes pour nous faire grossir et boucher nos artères ! Or, on note une augmentation très préoccupante de l’obésité et de l’artériosclérose dans notre pays. Certes moins forte que dans certains autres pays européens, ou aux USA, mais quand même radicale.

Les choix alimentaires sont d’abord culturels, l’obésité également

On dit souvent que l’obésité est une maladie des riches des pays pauvres et des pauvres des pays riches. Une autre manière d’évoquer ce problème est d’analyser les déterminants des choix alimentaires des différentes classes sociales ou des différents niveaux culturels.
De ce point de vue, la France n’est « pas pire » ; le plus souvent on y mange encore assis, des repas relativement équilibrés. A tel point que l’Unesco a reconnu le « repas gastronomique des Français » comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité ! Il est frappant de constater que, dans ce pays, première destination touristique, qui a accueilli plus de 100 millions de visiteurs internationaux en 2024, la qualité moyenne des repas servis dans ses multiples restaurants a fortement augmenté dans les dernières décennies.
Mais on y voit aussi une augmentation spectaculaire de la « fast bouffe ». D’après l’étude Epsimas, entre 2015 et 2023, le secteur de la restauration rapide a connu une croissance annuelle moyenne d’environ 9,5 %. Son marché a ainsi presque doublé sur cette période ; il pesait 20 milliards d’euros en 2023. Depuis 2021, le nombre de fast-foods a dépassé, en France, le nombre de restaurants traditionnels, et 70 % des 18-34 ans consomment actuellement des produits de restauration rapide plus de 2 fois par mois en France.
Il est hasardeux de généraliser le lien entre « fast bouffe » et « mal bouffe », car on doit reconnaître que certaines pizzas et certains sandwichs, qui certes peuvent être mangés rapidement pour un budget restreint, sont plutôt de bonne qualité nutritive. Mais ce sont quand même deux phénomènes qui évoluent en parallèle. Sans oublier que, souvent, fast bouffe rime avec réchauffement accéléré de la planète, comme le rappelle par exemple l’association de restaurateurs Bon pour le climat.

Le Jambon beurre crudités avec 1 tranche de jambon de 45 gr, beurre, tranches de tomate, cornichons et salade pèse, lui, 700 gr d’équivalent CO2 – Sources : Bon pour le climat.
On peut tout de même affirmer que les clients réguliers des restaurants rapides, s’ils n’ont guère de chance de « mourir après souper », car l’hygiène y est souvent irréprochable et la nourriture très contrôlée, ont néanmoins plus de chance que les autres de finir obèses ! D’autant plus qu’on peut parier que ce sont également de forts consommateurs de chips et de cocas en dehors de leur restaurant favori !
On peut pareillement observer que la prévalence de l’obésité est inversement proportionnelle au niveau d’études en France. 24,5 % des personnes ayant arrêté leurs études en primaire sont obèses, contre seulement 7,3 % chez les diplômés du supérieur (3ème cycle). De même les cadres sont presque deux fois moins touchés par l’obésité que les ouvriers ou les employés (10 % contre 18 %).

Il y a une géographie de l’obésité, qui fait qu’on déplore 50 % de plus d’obésité dans la région Haut de France, où le chômage va de pair avec les faibles niveaux de qualification, qu’en Pays de la Loire ou en Ile de France.
L’obésité constitue d’ailleurs une vraie épidémie : elle touche beaucoup plus les familles, collègues et amis de gens obèses que ceux qui habitent ou travaillent dans d’autres secteurs !
Le lien entre obésité et situation culturelle et économique est même à double sens : plus une personne est dans une situation économique et sociale difficile, plus elle a de risques de développer de l’obésité. Et à l’inverse, plus elle est obèse, plus elle sera discriminée à l’embauche, et plus elle aura de problèmes de santé et de bas revenus.
Il y a des alternatives aux chips, par exemple les tomates cerises !
Pour compléter ce tableau déprimant, observons que la consommation de fruits et légumes, dont on sait bien qu’elle est essentielle pour être en bonne santé, reste très en dessous des recommandations officielles.
D’après les derniers résultats du baromètre de Santé publique France, seulement 19 % des hommes et 25 % des femmes affirment consommer cinq portions de fruits et légumes par jour. La tendance s’aggrave puisque chez les jeunes la consommation est encore plus faible : seulement 17 % des 18-24 ans, contre 30 % des aînés. Le suivi de ces recommandations s’améliore nettement avec le niveau de diplôme (ce qui contribue, entre autres, à la différence d’espérance de vie entre les différentes catégories sociales). Il existe également des différenciations géographiques importantes : les Hauts-de-France, la Normandie et le Grand Est suivent moins les recommandations alimentaires que les autres régions.
L’étude indique également que 18 % des hommes et 12 % des femmes boivent au moins une boisson sucrée par jour. Tout cela s’additionne !

Mais on peut néanmoins noter une petite embellie : la percée magnifique de la tomate cerise. Voilà une avancée remarquable, qui permet de manger des fruits de façon moderne et ludique, et aussi simplement qu’un paquet de chips ! Cette « invention » relativement récente a connu une croissance absolument remarquable, passant de 2,7 kg à 4,1 Kg par foyer, soit +52 % en seulement 8 ans.

On peut aisément imaginer que ces nouvelles fringales de chips aromatisées et de tomates cerises ne concernent pas les mêmes familles ! On est là en plein dans la différenciation culturelle
En particulier les familles de cadres et d’intellectuels qui ont de jeunes enfants n’ont pas manqué de remarquer que, s’il est parfois difficile de faire leur manger des légumes, les tomates cerises sont des alliés providentiels géniaux, à la fois savoureux et ludiques, qui « passent tout seul » sans avoir besoin d’injonctions éducatives !


Il y a plein d’alternatives aux chips (aromatisées) ou aux gâteaux bien gras et salés pour se faire plaisir à l’apéritif. Les tomates cerises bien sûr, mais aussi les bons vieux radis, carottes, choux-fleurs, concombres, les olives, les cœurs d’artichaut, les chips de légumes (betteraves, panais, pois chiches, tomates, courgettes, carottes, patates douces, etc.), les noix de cajou, les cacahuètes, toutes sortes de fruits secs, les anchois, les feuilles de nori, etc. Le choix est vaste ! Sans oublier les nouveaux arrivants, les chips d’algues, nettement moins grasses et salées !
Mais dans tous les cas le choix du grignotage, tout comme celui de la boisson, engage à la fois l’hôte et l’invité, dans toute sa culture, et tous ses engagements, à la fois pour la planète et pour sa future santé.
Et pour motiver les parents et grands-parents, osons cette idée : On peut estimer qu’en moyenne les enfants d’aujourd’hui qui commencent leurs déjeuner par des tomates cerises, des concombres et des carottes et leurs diners par une soupe de légumes, grignotent moins et boivent de l’eau à table, etc…. fumeront et boiront moins, seront moins souvent obèses, auront un cœur plus résistant, et au final vivront plus longtemps !
A votre santé donc ! Celle qui se gagne avec ses dents.