Au lycée Raoul Vadepied d’Evron en Mayenne, on aime le développement durable, du haut en bas de l’échelle. J’y suis allé donner une conférence, qu’ils avaient gagné en remportant un concours d’établissements « éco-responsables » organisé par le Conseil régional des Pays-de-la-Loire. Ils m’avaient invité à déjeuner avant au lycée en annonçant « vous pourrez profiter de notre self éco-responsable »… Au-delà d’une équipe éducative dynamique, unie et entreprenante, j’y ai rencontré un cuisinier heureux, et des lycéens aussi ! Le secret : respecter la planète et inventer une cuisine bonne, saine, attractive, bio et locale chaque fois que possible. Comment se faire plaisir en faisant plaisir aux autres ?
Monsieur Alain Lorieux n’a rien du fonctionnaire assoupi attendant les vacances puis la retraite ! On le sent passionné par son métier de cuisinier, créatif et toujours prêt à innover ; c’est un éducateur doublé d’un entrepreneur. Il s’est débrouillé pour reprendre la main sur ses menus et ses approvisionnements, et tenter de mettre sa pratique quotidienne en accord avec ses idées. Résultat : il a créé un réseau d’établissements pour grouper les achats et les bonnes idées, et part faire les marchés pour y dénicher tout le bon et frais qu’il pourrait donner à ses convives. Les menus sont ainsi faits quelques jours seulement à l’avance, pour s’adapter à l’offre. Et il a passé des accords annuels avec 24 maraîchers, boulangers et éleveurs bios locaux, de façon à sécuriser ses approvisionnements, du style « je vous achète 40 kilos de carottes bios toutes les semaines de l’année scolaire » ou encore « gardez-moi 4 cochons bios, et débitez-les moi entièrement ». En fait, presque tous les produits frais sont dorénavant issus de circuits de proximité (moins de 50 km).
24 fournisseurs locaux, à moins de 50 Km, dont beaucoup de bios, c’est possible, même pour un simple lycée !
A l’arrivée, on voit un buffet de salades en entrée, et en plus fréquenté par les lycéens ! (il avoue que c’est un peu plus difficile avec les collégiens, mais il faut amorcer le plus tôt possible l’éducation au goût et à la diététique). En dessert, une « ile flottante de Jeannot lapin » rose orange, à base de carottes et de fruits rouges, est du plus bel effet. Et des affiches extraites de mes livres et de ce blog annoncent par exemple que dans une vie, un français mange 7 bœufs, 33 cochons et 1300 poulets, en demandant si c’est bien raisonnable ! Sans oublier la boite transparente à la sortie pour collecter et mesurer le volume du pain jeté, très éducative, ou le badge nominatif qui permet de servir des portions plus petites aux collégiens qu’aux lycéens (suffisait d’y penser…).
De la salade au dessert, ça vous rappelle la cantine de votre vieux lycée vous ?
Le tout dans la joie et la bonne humeur ! Et les enseignants font la queue, tout comme les élèves, pour manger dans ce self éco-responsable…
Et, ce que ne voient pas toujours les collégiens et lycéens, les économies sont spectaculaires sur les emballages : ils ont par exemple réussi à diminuer de 80 % les emballages de produits lessiviers. Ils consomment 200 kilos de yaourts par mois, qu’à cela ne tienne, ils réutilisent les seaux, et servent les yaourts dans des pots en verre (17 500 pots de moins de jetés par an !). Pour les fruits et légumes, tous les cageots bois ou plastique sont réutilisés par les maraîchers ; idem pour les emballages du pain. Les papiers et cartons restants sont transformés en buchettes, etc.
Parmi leurs objectifs pour cette année : passer de 20 à 30 % de produits bios. Ils sont d’ores et déjà les plus gros acheteurs de produits bios du département.
On peut faire quelque chose de positif dans sa vie, où qu’on soit, c’est pas triste, et même revigorant de la constater ! La presse locale s’en est d’ailleurs aperçu !