Les deux producteurs malgaches de crevettes tropicales sont les meilleurs du monde ! Un palmarès auquel ce pays n’est vraiment pas habitué, tant il est abonné aux dernières places[1] : 151e à l’indice de développement humain, 174° en PIB par habitant, 178° pour la mortalité infantile, 148° pour l’espérance de vie, etc.
Certes la production de crevettes malgache ne représente guère que 1 % de la production mondiale, et ne génère « que » 100 millions d’euros par an, mais les crevettes de la société OSO ont été les premières à obtenir le label Agriculture biologique, et celles d’UNIMA les premières à avoir un Label rouge !
C’est ce que j’ai constaté en participant à l’émission La quotidienne sur la Chaine de télé France 5 cette semaine.
Evidemment la qualité se paye ! Mais, réfléchissons un peu, qu’est-ce qu’on achète exactement quand on achète des crevettes pas chères ?
- Le pire : on peut acheter carrément de l’esclavage sur les bateaux qui pêchent les poissons qui nourrissent les crevettes, comme le dénoncent nombre d’ONG. Esclavage ? comment est-ce possible au XXIe siècle ? C’est que ces bateaux clandestins, ou fantômes ne vont jamais au port, comme on peut le voir sur l’image suivante : ils restent en permanence en mer et les pauvres travailleurs qui ont accepté d’y monter le payent parfois de leur vie !
Document Courrier International
- L’assèchement des fonds marins (dans le cas des crevettes péchées, dites « sauvages ») : il faut bien comprendre que la crevette est petite, il faut donc des filets à maille resserrée pour la pêcher. Et, bien évidemment, ces filets attrapent tout ce qu’il y a dans la mer, surtout quand ils raclent les fonds : on a calculé qu’on rejetait souvent 10 kilos de poissons, tortues et autres pour chaque kilo de crevettes péchées ! Pour corriger ce désastre, les malgaches ont travaillé avec des organisations comme le sur des dispositifs comme TED (Turtle Excluding Device), pour permettre aux tortues de s’échapper, et BRD (By-catch Reduction Device), pour réduire les captures accessoires de poissons.
- De l’opacité complète sur la filière. Quelle garantie avons-nous que cette crevette dite de l’Equateur en provient vraiment ? Chacun peut comprendre que, vu le nombre d’intermédiaires (voir schéma ci-dessus), si on repère l’usine de transformation, c’est déjà bien ! Et, bien évidemment, notre « police de l’alimentation » ne va pas analyser tous les lots de crevettes qui arrivent en France !
- La destruction de la mangrove tropicale (dans le cas des crevettes élevées) : les gigantesques exploitations de pays comme la Thaïlande abattent en masse cette végétation si nécessaire aux équilibres écologiques, à la biodiversité, et à l’atténuation des tsunamis. Pire, le comportement prédateur de ces gigantesques exploitations les conduit à abandonner les bassins au bout de quelques années, quand ils sont bien pollués, pour aller défricher ailleurs !
- Des doses massives d’antibiotiques et de produits chimiques : lorsqu’on élève 200 crevettes au M2 (les malgaches se contentent, eux, de 10 animaux au M2!), les maladies guettent, la mer s’acidifie, les déchets stagnent, les animaux stressent, et on tente tant bien que mal de corriger ces disfonctionnements à grand coup d’ajouts chimiques, lesquels se répandent dans la mer… et restent dans la chair des crevettes que nous mangeons ! Sans compter les agents colorants, ou de conservation.
- Une salinisation des champs et des nappes alentour : pour corriger les différences d’acidité et de salinité, on prélève énormément d’eau douce, laquelle se remplace progressivement par de l’eau salée en ces bords de mer.
On voit donc, une fois de plus, que quand on achète un produit, on achète « le monde qui va avec » ! Au fait, vaut-il mieux manger moins de crevettes, mais de Madagascar, qui en plus sont nettement meilleure au goût, et relativement bien « tracées » puisque c’est la même société intégrée qui effectue toutes les opérations, en se soumettant en plus aux contrôles des labels Bios et Label rouge ? Ou plein de crevettes en se bouchant les yeux sur le monde qu’on achète ? Bon appétit !
Et n’oublions pas que d’ici deux ans, on pourra aussi commencer à manger de la crevette tropicale de Roscoff, produite dans des bâtiments à énergie positive sur terre au bord de la mer, avec un contrôle et une traçabilité totale…
Ferme de production de crevettes à Madagascar
[1] Source : Wikipedia
Bonjour Mr Pamentier ,Faites dire tout ça par nos gouvernements , au journal de 20 h sur la 1 pour la France .Je ne crois pas qu\’il soit d\’accord …Cordialement .Mr Bouet
Merci de vos encouragements! Je fais ce que je peux : plein de conférences et j’accepte les radios et télés chaque fois qu’on m’invite, mais c’est encore bien insuffisant en effet ! Bien cordialement Bruno Parmentier
Bonjour,
Merci beaucoup pour les infos !
Bien, c’est confirmé qu’en terme de qualité et de goût, on peut dire que les crevettes de Madagascar sont très sollicités sur le marché mais en terme de quantité qu’en-est-il ?
Madagascar vient de recevoir le sommet de COMESA, il y a quelques jours, je me demande vraiment quelle est la place de l’exportation des crevettes dans ce marché.
A plus !