Depuis plusieurs années, le printemps devient de plus en plus précoce, avec des températures bien au-delà des normes de saisons. Si c’est agréable pour les vacanciers, des scientifiques arguent que c’est un désastre pour la nature.
Article paru sur le site Atlantico.fr le 28 février 2019
Cela risque-t-il de perturber l’agriculture ? De modifier la flore ? Et notre santé ?
Bruno Parmentier : La plupart de nos techniques agricoles ont été élaborées dans la 2e moitié du XXe siècle, lorsque le climat était relativement stable. Il y avait bien entendu des années exceptionnelles, mais elles étaient par nature rares. Là, avec les effets du changement climatique, on cumule années après années les records, à chaque saison. Ce printemps-ci serait, paraît-il « le plus chaud depuis 1899 ». On sait que les scientifiques restent réticents à attribuer au seul dérèglement climatique la survenue d’un événement météo extrême quel qu’il soit, mais, quand même, quelle succession depuis 10 ans !
En ce qui concerne le présent mois de février, la Nature se remet rapidement en mouvement, la faune et la flore sortent de leur mode d’hibernation et rentrent en phase active, et les fleurs poussent partout. Mais nous ne sommes qu’en février et, bien entendu, on risque d’avoir des gelées, peut-être sévères, en mars et avril, qui vont tuer le processus. Résultat : on aura bien eu des fleurs, mais peut-être pas de fruits !
Abricotiers en fleurs dans le Béarn
Autre possibilité : il n’y a pas de gel du tout, et finalement le pouvoir assainissant de ce gel disparaît, celui qui en quelque sorte « remet les compteurs à zéro » chaque année. Et, dans ce cas-là, on aura une prolifération très préoccupante de parasites et autres prédateurs. Si ça se trouve, pour sauver les récoltes, on devra abuser cette année des herbicides, insecticides et fongicides ; l’agriculture « chimique » si décriée va redémarrer de plus belle partout où elle le pourra, et la bio aura, elle, de mauvais rendements !
De plus les équilibres naturels sont très sensibles ; quid si la floraison est avancée de 2 ou 3 semaines et que leurs pollinisateurs ne sont pas encore nés ou en activité ? Ou si la précocité de la floraison modifie les signaux qu’envoient les fleurs pour attirer leurs insectes attitrés (couleurs, odeurs, etc.). Là aussi, on aura plein de fleurs mais peu de fruits !
Et les agriculteurs vont avoir également des problèmes de main d’œuvre : les ouvriers saisonniers ne sont pas encore arrivés pour effectuer les travaux de taille des arbres fruitiers par exemple.
D’une manière générale, il faut bien se rendre compte qu’en matière agricole, le mauvais temps, c’est quand le même temps dure longtemps. La pluie n’est pas mauvaise en soi, le soleil non plus, mais en période intermédiaire comme celle de la fin de l’hiver, un mois de pluie non-stop ou un mois de soleil non-stop, c’est dans les deux cas une catastrophe !
Et le temps de mai en février, ça veut également dire que les pollens vont commencer à pulluler bien plus tôt que d’habitude. Les 20 % de français qui sont allergiques aux pollens risquent de payer cher ces températures au-dessus des moyennes de saison.
Quels effets sur les oiseaux ? Sur les insectes comme les abeilles ?
Bruno Parmentier : On voit arriver en ce moment des grues cendrées et autres oiseaux migrateurs, à une date complètement inhabituelle ! Là aussi, rien de prouve que cela se passe sans dommage, et que certains déséquilibres majeurs n’apparaissent dans la chaine alimentaire ! Au bout de quelques années d’hivers chauds d’ailleurs, certaines espèces deviennent partisanes du moindre effort et cessent purement et simplement de migrer et deviennent sédentaires. On a même observé des migrations en sens inverse !
Grues cendrées dans nos cieux dès février 2019
Côté abeilles, les ruches se réveillent et les reines commencent à pondre. Les apiculteurs leur donnent du sucre pour aider à passer l’étape, car s’il y a trop de larves à prendre en charge et pas assez d’abeilles pour le faire, elles peuvent s’épuiser et mourir. De plus si la reine a commencé à pondre plus tôt elle peut également s’épuiser à la tâche et sa longévité peut être raccourcie.
Ce réchauffement peut-il avoir un effet pervers en favorisant des espèces invasives de plus en plus nombreuses en Europe ?
Bruno Parmentier : Le changement climatique favorise les espèces invasives ! En effet elles sont souvent plus aptes à modifier en tant que de besoin leur date de germination, de floraison et de fructification. Les espèces moins flexibles, et singulièrement les variétés sélectionnées pour leur grande productivité, sont en général plus rigides, plus fragiles et moins flexibles ; elles peuvent décliner, parfois jusqu’à l’extinction.
Certaines espèces exotiques pourraient ainsi bénéficier des nouvelles conditions climatiques et de la disparition des espèces natives, pour devenir envahissantes alors qu’elles ne l’étaient pas auparavant.
Par exemple, on a vu depuis 2014 que la production européenne d’huile d’olive (qui représente 73 % du total mondial), est extrêmement menacée par des attaques bactériennes et d’insectes parasites favorisées par une succession d’été chauds et humides. De même, des arbres qu’on croyait durablement installés et emblématiques dans leurs régions, comme les palmiers de la Côte-d’Azur ou les platanes de Midi-Pyrénées commencent à subir les attaques dévastatrices du charançon rouge tropical ou du chancre coloré. Le buis lui-même, qui ornait les jardins « à la française » depuis des siècles, est carrément menacé par la pyrale, tandis que la chenille processionnaire du pin qui cause de sévères dégâts aux résineux et des problèmes allergiques pour l’homme ne cesse de remonter vers le nord.
30 % des buis du château de Vaux de Vicomte sont morts à cause de la pyrale
La carpocapse de la pomme passe de deux à trois générations par an dans le sud-est, la troisième génération étant rendue possible par l’augmentation de 25 % du nombre de jours où la température dépasse les 10°. De même l’encre du chêne profite largement de la diminution du froid hivernal. La maladie de Lyme, dont on découvre qu’elle provoque des dégâts considérables dans la population, ne cesse de s’étendre avec la prolifération de la tique.
Côté élevage, des maladies tropicales commencent à se développer dans nos contrées autrefois tempérées, par exemple la fièvre catarrhale ovine, la peste équine, la fièvre de la vallée du Rift, la fièvre du Nil occidental, la leishmaniose, la leptospirose, etc.
Et ne parlons pas des risques de voir les invasions de criquets se répandre au nord de la Méditerranée, avec les désastres écologiques que provoquent ces nuages de dizaines de millions d’insectes qui peuvent parcourir 200 Km en une journée, dévastant la flore naturelle et les champs cultivés ! L’histoire nous relate nombre d’invasions de ce type en Europe, et il n’y a pas de raisons que nous en soyons durablement épargnés.
Il est grand temps de \\ » bouturer\\ » ce Monsieur !!! Ou tout au moins, trêve de plaisanterie de lire ses ouvrages et croire en son pragmatisme ! Bravo