Le prix du riz va augmenter, à cause du réchauffement climatique et de la guerre en Ukraine

Ce rayon pourrait bien être dégarni début 2023, et/ou les étiquettes pourraient flamber. Photo BP

Le syndicat de la riziculture française annonce qu’il pense avoir du mal à approvisionner la France en riz à partir du début de l’année 2023, et qu’en tout état de cause il faudra prévoir une augmentation de prix de l’ordre de 20 % pour cet aliment.

C’est qu’on ne peut pas constater à la fois une accélération brusque des conséquences du réchauffement climatique et une guerre majeure en Europe que cela ait de multiples conséquences, en particulier dans nos assiettes.

Une interview de 5 minutes sur France info le 21 octobre sur ce même sujet de l’augmentation probable du prix mondial du riz

En France, nous produisons certes un peu de riz, en Camargue, qui couvre en gros 1/4 de notre consommation. Nos habituelles et modestes 73 000 tonnes annuelles contribuent fort peu à la production mondiale, qui elle dépasse les 500 millions de tonnes ! Et la récolte 2022 est mauvaise : elle a durement pâti de la sécheresse. Il faudra donc augmenter nos importations, lesquelles couvrent déjà l’essentiel de nos consommations, venant de pays aussi divers que nos voisins Italie et Espagne, ou, plus éloignés, Cambodge, Thaïlande, Pakistan ou Inde. Tous ces pays ont souffert durement cette année, qui de canicules et de sécheresses historiques, qui d’inondations épouvantables. Dans les deux cas, on constate ou on s’attend à des récoltes en forte baisse.

Chez nous, l’enjeu est relativement faible, puisque nous n’en mangeons qu’un peu plus de 5 kilos par personne et par an, bien loin de la moyenne mondiale qui est à 60 kilos. Dans certains pays le défaut d’approvisionnement peut être carrément vital. Songeons que les birmans, les thaïlandais et les vietnamiens en mangent, eux, plus de 180 kg/habitant/an, les bengalis 160, les malgaches 140, les chinois 90 et les indiens 65… et ils sont très nombreux !

Au-delà des effets délétères du réchauffement climatique, la guerre en Ukraine affecte aussi durement les approvisionnements en riz, même si l’Ukraine et la Russie n’ont pratiquement jamais produit un grain de cette céréale, et ce pour trois raisons.

Sur ces terrasses on ne cultive que du riz, année après année, et il faut donc y épandre régulièrement des engrais
  • D’une part, les marchés des différentes céréales sont très reliés les uns aux autres. Chaque mère de famille sait très bien que, lorsque le prix des nouilles augmente ou qu’elles manquent dans leur supermarché, elle propose facilement à la place une platée de riz à ses enfants. Ce qui est vrai à l’échelle de la famille l’est évidemment aussi à l’échelle du commerce mondial et de la nourriture des animaux. Donc, les tensions importantes sur le marché du blé issues de l’incapacité de l’Ukraine à exporter ses productions 2021 et 2022, dopent la demande mondiale pour le riz et le maïs, et renchérit leurs cours.
  • D’autre part, par essence, le riz est une monoculture, puisqu’elle nécessite au préalable d’importants et couteux travaux d’aménagements hydrologiques. Une fois qu’on a installé sur toute une colline de multiples terrasses connectées les unes aux autres, on n’alterne pas les cultures de riz avec celle de maïs, de canne à sucre de haricots ou d’arbres fruitiers. Avec 2 à 3 récoltes annuelles de riz sur ces champs pendant plusieurs dizaines d’années, les terres s’épuisent et nécessitent d’être régulièrement revigorées par force engrais. Or, le prix mondial des engrais à triplé, en particulier parce que les engrais essentiels, azotés, sont très largement produits à partir de gaz russe, et que la Russie et la Biélorussie sont de gros exportateurs de potasse. On peut donc imaginer que nombre de paysans pauvres asiatiques on épandu beaucoup moins d’engrais sur leurs rizières cette année, ce qui affecte nécessairement leur productivité.
  • Dernier aspect : en France, on n’aime pas le riz gluant, ce qui fait que, pour le durcir, la plupart des distributeurs étuvent le riz avant de nous le vendre, ce qui est très coûteux en énergie et va donc coûter beaucoup plus cher.

Tout cela établi, il convient quand même de garder notre sang-froid. Les Français consomment en moyenne un peu plus de 5 kilos de riz par an, c’est à dire une dizaine de paquets de 500 g par personne. Ces paquets, qui sont actuellement achetés autour de 2 € vont probablement prendre 50 centimes d’augmentation. L’effet de toutes ces catastrophes mondiales sur notre pouvoir d’achat devrait donc être réduit à autour de 5 € par an et par personne. On n’aura pas faim en France à cause des inondations au Pakistan !

En revanche, on ne peut qu’être très inquiets pour les ouvrières du Bangladesh, qui gagnent un salaire de misère et consacrent 80 % de leurs revenus à acheter du riz , ou pour les birmans, les Sri Lankais ou les coréens du nord, qui ont le malheur de vivre dans des pays gouvernés par des dictateurs incompétents, corrompus, et insensibles à leurs malheurs.

Hypothèses optimistes et pessimistes de la montée des eaux dans le delta du Mékong à échéance 2050, d’après le New York Times 29/10/19

D’autant plus que cette baisse pourrait bien se prolonger : Selon USDA, la production de riz devrait baisser en moyenne de 2 % par an, en raison de l’évolution climatique… En fait sur les 142 millions d’hectares de rizières en Asie, on estime que 16 millions sont menacés par la salinité, 22 millions par les inondations, et 23 millions par la sécheresse, et certaines parfois par les 3 successivement ! Par exemple, plus de la moitié du delta du Mékong au Vietnam, où vivent 17 millions de personnes qui assurent 50 % de la production agricole du pays, devrait être inondé en 2050…

A propos BrunoParmentier

Bruno Parmentier : Consultant et conférencier sur les questions d’agriculture, alimentation, faim dans le monde et développement durable. Président ou administrateur d’ONG et de fondations. J'ai dirigé de 2002 à 2011 le Groupe ESA (École supérieure d'agricultures d'Angers). Ingénieur des mines et économiste, j'avais auparavant consacré l'essentiel de mon activité à la presse et à l'édition. J'ai eu ainsi l'occasion de découvrir à l'âge mûr et depuis un poste d'observation privilégié les enjeux de l'agriculture et de l'alimentation, en France et dans le monde. Il en est sorti quatre livres de synthèse, un sur l'agriculture, l'alimentation, la faim et le réchauffement climatique. Des livres un peu décalés, qui veulent « sortir le nez du guidon » pour aller aux enjeux essentiels, et volontairement écrits avec des mots simples, non techniques, pour être lisibles par des « honnêtes citoyens ». Ce blog prolonge ces travaux et cette volonté d'échange. Il est également illustré par une chaine YouTube http://nourrir-manger.com/video
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