Quest-ce que manger « normal » ? Une question dautant plus intéressante que lon sent bien que les lignes bougent en ce moment
Pour lillustrer, trois anecdotes récentes :
· Repas dans le train Paris-Bruxelles Thalys : on me propose de manger « normal ou végétarien ». Un dilemme absolument impensable il y a quelques années ; on maurait alors proposé « viande ou poisson ». Encore avant, le choix aurait été « buf ou poulet » ! Je demande le « normal » et on me sert du poisson !
· Une semaine avant, jétais en Inde ; là on me proposait « normal ou non végétarien ». Là-bas, le normal, cest bien de manger végétarien et non poisson, encore moins viande ! Un indien moyen ne mange que 6 kilos de viande par an (contre 56 pour le chinois et 85 pour le français).
· Cette semaine, dans le TGV franco-français, je vois également les menus évoluer ; cette fois-ci cest « saveur » (alias sandwich), « traiteur » ou « tout bio » ! Je prends « traiteur » et je découvre que lentrée, le dessert et le vin sont bio, tandis que le plat de résistance est « très gourmand, à base de produits 100 % naturels, sans édulcorant, sans conservateur, sans colorant ni arôme artificiel, sans huile de palme, sans OGM » et le thé « issu du commerce équitable » ! Gageons que, dès que le restaurateur pourra lassurer, il proposera le choix entre les menus « normal ou pas entièrement bio ».
Cest dire si, en définitive, cest bien le consommateur qui commande, et donc ses désirs, ses priorités, ses fantasmes. Les gens du marketing ont repéré que ceux qui prennent le Thalys ou le TGV, et en plus ont les moyens de se payer à déjeuner dans le train, veulent du bio, du naturel et de léquitable ; on sest donc débrouillé pour le leur servir. Le « local », dans un TGV, cest plus compliqué, mais gageons quon pourra peut-être bientôt inventer les aliments « produits à moins de 100 Km des voies de TGV ! » !).
Vive la normalité du bobo français ; quand rejoindra-t-elle celle du bobo indien ?