A l’occasion de la sortie du livre FAIM ZÉRO, je vous propose à nouveau un texte que j’ai rédigé il y a quelque temps, retour de Madagascar…
C’est la crise, on va tous devoir faire un effort, les entreprises, les riches, les classes moyennes, les retraités, les autoentrepreneurs, les actionnaires, les familles, et même les buveurs de bière et les fumeurs. Il y a de la grogne dans l’air. Prenons du recul, voici un petit effort d’imagination .
Imaginez que vous marchez pieds nus. Quel plaisir ! Sauf que c’est tous les jours et partout, même dans les buissons d’épineux, même quand il fait froid, même dans la boue, même quand il y a serpents et scorpions, même sur une route goudronnée Imaginez que vous mangez du riz au petit déjeuner, du riz au déjeuner et du riz au dîner, souvent seulement deux fois par jour. Le lundi, le mardi, le mercredi, le jeudi, etc. En juin, en juillet, en août, en septembre, etc. Sauf en mars et en avril, car là il n’y a plus de réserve avant la prochaine récolte, et vous passez à un seul petit repas par jour.
Imaginez que vous rajoutez un peu de sauce deux ou trois fois par semaine, et un peu de viande une ou deux fois par mois. La joie. Quelques fruits quand vous en trouvez sur un arbre. Sauf il quand il y la sécheresse, ou les inondations, ou les cyclones, ou la guerre, auquel cas vous n’avez plus rien du tout.
Imaginez que vous avez faim, souvent, longtemps, profondément. Vos enfant aussi, et cela diminue fortement leurs capacités intellectuelles.
Imaginez qu’il vous manque la moitié des dents, car les autres, surtout celles de devant, vous ont été arrachées à vif dès quelles ont eu une grosse carie, ou sont tombées toutes seules car vous manquiez de calcium pour les fixer.
Imaginez que vous marchez pieds nus 7 kilomètres pour aller à l’école, au marché, n’importe où, et autant pour revenir. Et 2 kilomètres pour aller chercher l’eau au ruisseau.
Imaginez que, pour se laver, il faille aller se baigner dans la mare au bout du village, celle où les femmes font la lessive, et où les animaux vont boire.
Imaginez que vous devez quitter lécole dès lâge de 10 ans car on a besoin de vous pour travailler dans la rizière, ou pour garder les deux zébus de la famille.
Imaginez que vous avez la grande chance de pouvoir aller au collège. Le week-end et pendant les vacances, vous devez courir après les « vasahas » qui passent dans la ville pour mendier un peu d’argent, et ramener de quoi acheter à manger.
Imaginez quil ny a pas de docteur ni de médicaments quand vous êtes malade ; et vous l’êtes souvent. Que vous vivez dans un pays à l’espérance de vie de 57 ans, 25 de moins qu’en France.
Imaginez quà Noël, vous recevez un T shirt et un short, et quelques bonbons. Vous êtes fier d’être beau. Mais attention de garder précieusement ces habits, ce sont les seuls que vous avez et ils doivent vous faire toute l’année.
Imaginez que quand il fait nuit, il n’y a pas de lumière, ou presque pas. Les bougies coûtent cher. Vous vous couchez avec le soleil et vous vous levez avec le soleil.
Imaginez que vous dormez à 3 sur un lit de paille plein de puces, à même le sol en terre, sous un toit de feuilles et de branchages qui fuit quand il pleut.
Imaginez qu’il fait chaud, et qu’il y a de la poussière partout, sauf en saison des pluies, où c’est de la boue partout pendant 3 ou 4 mois.
Imaginez que, si vous êtes un jeune homme, vous tirez pied nus, en courant, un pousse-pouce où ont pris place deux personnes bien nourries, mais qui ne veulent pas marcher.
Imaginez que, si vous êtes une jeune fille, vous tentiez de séduire soir après soir un coopérant ou un touriste de passage, pour coucher avec lui et vous faire nourrir quelques jours.
Imaginez que vous êtes une mère de 8 enfants qu’il faut nourrir tous les jours en faisant la cuisine à quatre pattes par terre en surveillant le feu de bois dont la fumée vous pique les yeux. Dès qu’ils ont mangé, vous repartez repiquer le riz, c’est à dire planter en plein soleil des milliers de petites pousses à la main, pied nus dans la boue jusqu’au mollets
Imaginez qu’au lieu de fils de riche français, vous êtes né fils de paysan Malgache, ou Bengali, ou Haïtien, ou Burkinabe. ça aurait bien pu vous arriver, vu que les gens qui vivent comme cela sont bien plus nombreux que nous…
Le texte complet téléchargeable :