Alerte aux antibiotiques dans la viande

Paru le 25 mars 2015 sur le site ATLANTICO

ATLANTICO : Une enquête de la National Academy of Sciences of the United States of America montre que l’élevage mondial captera plus de 105 000 tonnes d’antibiotiques en 2030, soit une augmentation de 67 % par rapport à 2010.

Voir aussi en français dans le Quotidien du médecin :

http://www.lequotidiendumedecin.fr/actualites/article/2015/03/20/des-experts-alertent-sur-lexplosion-de-lutilisation-dantibiotiques-veterinaires-dans-le-monde_747156

ATLANTICO : Pourquoi trouve-t-on des antibiotiques dans la viande ? Pourquoi les éleveurs en utilisent-ils autant ? Quelles viandes sont les plus concernées ?

Parmentier : Les animaux tombent malades, comme les hommes ! Et on les soigne de la même manière, par des médicaments, dont des antibiotiques lorsqu’ils sont soumis à des bactéries pathogènes indésirables. A la fois pour des raisons éthiques, car on se doit d’assurer le bien-être des animaux dont nous sommes responsables, et pour des raisons commerciales, car il est bien évidemment interdit de vendre de la viande issue d’animaux malades. Lorsque l’animal est guéri en revanche, on peut l’amener à l’abattoir, mais ses chairs gardent des traces d’antibiotiques, que nous mangeons.

Deux problèmes aggravent cette situation : l’élevage de masse, dans des bâtiments confinés, est évidemment plus malsain que l’élevage de plein air, surtout si l’air ou l’eau de boisson ne sont pas assez renouvelés, ou les déjections pas assez rapidement ou complètement évacuées. De plus dans ce type d’élevage, les animaux sont en grande proximité et se contaminent rapidement les uns les autres. Lorsque le vétérinaire diagnostique qu’un animal est malade, le plus probable est qu’il a déjà contaminé ses congénères, il faut alors à la fois soigner cet animal avec des doses importantes d’antibiotiques, et tous les autres avec des doses plus faibles, de façon préventive. Donc on va logiquement trouver davantage d’antibiotiques dans la viande de porc, de lapin ou de volailles, qui proviennent de troupeaux confinés de centaines ou milliers d’animaux que dans celle de bovins, et, s’agissant de bovins, davantage dans la viande de veaux élevés en batterie que dans celle provenant des alpages.

Un autre phénomène, pratiquement disparu en Europe depuis son interdiction en 2006, est encore largement utilisé aux USA et dans nombre de pays émergents : l’administration d’antibiotiques sans aucune prescription médicale et mélangés dès le départ dans l’alimentation, simplement pour booster la croissance des animaux !

On estime donc les consommations actuelles d’antimicrobiens dans le monde à 45 mg par kg de viande de bœuf produite, de 148 mg par kg de volaille et de 172 mg par kg de viande de porc.

Au total la consommation d’antibiotiques en usage vétérinaire représente autour de 60 000 tonnes dans le monde, chiffre largement supérieur à celle de la consommation humaine, et ces chercheurs pensent qu’on dépassera les 100 000 tonnes en 2030 vu l’augmentation très rapide de la consommation de viande dans les pays émergents, et la multiplication conséquente d’élevages intensifs peu contrôlés dans ces pays… Ils redoutent un doublement de la consommation dans des pays comme le Brésil, la Russie, l’Inde ou la Chine, soit une augmentation sept fois supérieure à celle de leur population ! Ils pensent qu’en 2030 la moitié des antibiotiques du monde seront consommés en Asie, dont 30 % dans la seule Chine.

Publicité pour de la viande sans antibiotiques

Quand l’absence d’antibiotiques devient un argument de vente pour une chaine de fast-bouffe canadienne…

ATLANTICO : Quelle est la situation en France ? Comment est-ce encadré actuellement ? 

Parmentier : La consommation d’antibiotiques en usage vétérinaire représente entre 700 et 900 tonnes par an en France, pour un chiffre d’affaires de 835 millions d’euros. La tendance est à la baisse. Rappelons cependant que nous restons un pays très (beaucoup trop) consommateur de ces produits en médecine humaine…

Le dernier plan d’action national (Ecoantibio) date de 2011, avec 40 mesures (promotion de bonnes pratiques, développement des alternatives, encadrement des pratiques commerciales, etc.) ; il prévoyait une diminution de 25 % de la consommation à échéance 2016. Il est très probable qu’on sera loin du compte, même si, contrairement aux pesticides, la consommation semble effectivement diminuer. Mais les statistiques sont difficiles à obtenir et à interpréter car on peut aussi changer de molécules, pour des produits plus puissants et moins lourds…

ATLANTICO : Quelles conséquences sur la santé humaine entraîne l’utilisation massive d’antibiotiques dans les élevages ?

Parmentier : D’une part, plus on mange d’antibiotiques, plus les risques d’allergie augmentent, et ces problèmes d’allergies, souvent croisés, se developpent fortement dans les nouvelles générations. D’autre part plus on administre d’antibiotiques, plus on sélectionne et développe de fait les bactéries résistantes à ces antibiotiques, puisque leur multiplication n’est plus arrêtée, c’est ce qu’on appelle l’antibiorésistance. Ces bactéries résistantes se transmettent alors via la consommation de viande, ou tout simplement via l’environnement. Au final, lorsque nous contractons une maladie due à ces bactéries antibiorésistantes, la médecine n’a plus d’arme pour nous soigner.

Auparavant, le rythme d’apparition de nouveaux antibiotiques était soutenu, et, par exemple, l’apparition d’une résistance à la pénicilline, apparue dès 1946, n’a pas provoqué de gros dégâts, car on a pu changer alors de prescription. Le problème vient qu’actuellement la recherche a le plus grand mal à inventer de nouvelles souches d’antibiotiques, et qu’en conséquence on régresse. Il a été estimé que la résistance aux antibiotiques avait causé 25 000 morts en Europe en 2007 et plus de 23 000 aux États-Unis en 2013. Cette situation s’emballe, on la qualifie dorénavant de « pré-catastrophique » et certains scénarios pessimistes redoutent 300 millions de personnes de décès prématurés d’ici 2050 !

D’où la mobilisation de certains gouvernements pour soutenir et développer à nouveau la recherche de nouveaux antibiotiques, qui avait beaucoup diminuée dans les dernières décennies, faute de rentabilité.

En tous les cas, il faudrait au minimum arriver à une interdiction totale en médecine vétérinaire des antibiotiques dits « critiques », ceux qui constituent actuellement le seul traitement connu de certaines maladies infectieuses chez l’homme, comme les céphalosporines de 3e et 4e génération et les fluoroquinolones.

Viandes-duBreton-Producteur-Porc-Biologique

Il y a élevage et élevage ! Mais celui-ci suppose de manger beaucoup moins de viande !

ATLANTICO : Comment diminuer ces risques ? Est-ce un problème que l’on sous-estime ?

Parmentier : Bien évidemment en mangeant moins de viande, surtout de viande blanche (porc et volaille) ! Le problème est complexe, car ces animaux affectent cependant moins l’environnement que les animaux à viandes rouges, très consommateurs de ressources naturelles et producteurs de gaz à effet de serre ! Doit-on forcément continuer à consommer en France 7 bœufs, 33 cochons, 1300 volailles, 20 000 œufs et 32 000 litres de lait dans notre vie ? Et les chinois, qui sont passés d’une consommation de 14 kilo par an à 60 dans les 30 dernières années, doivent-ils absolument atteindre les 85 kilos consommés aujourd’hui par les français ?

Deuxième idée, privilégier la viande bio, car dans ce cas, pas de « hors-sol », pas de traitement préventif antibiotique, pas de stimulation artificielle de la croissance, pas plus de 3 traitements médicamenteux par an…

Mais cela ne protège pas entièrement, car les bactéries résistantes peuvent nous arriver par d’autres voies, par exemple via l’épandage de lisiers ou fumiers, ou par contact direct avec des gens malades ! Et que le problème devient planétaire, les épidémies ayant une fâcheuse habitude de se jouer des frontières.

Une mobilisation citoyenne mondiale sur ce problème, encore beaucoup trop sous-estimé, serait bien utile ! Car, en la matière, malgré ses imperfections, l’Europe reste en avance sur le reste du monde, et les grands élevages industriels qui continuent à se créer tous les jours en Amérique ou en Asie deviennent une véritable menace pour l’humanité entière. On parle beaucoup d’un éventuel élevage de 1 000 vaches en France, mais peut-on imaginer que les élevages de 20 ou 30 000 vaches qu’on crée sur ces continents puissent se passer d’antibiotiques ?

 

Publié dans Actu MANGER, Actu NOURRIR, Actualités | Marqué avec , , , | Laisser un commentaire

De nouvelles voies pour éradiquer la faim

Peut-on imaginer en terminer avec la faim dans le monde ? D’abord, il faut bien connaître ce phénomène, pourquoi il a reculé dans certaines régions, et ensuite explorer toutes les pistes possibles pour affronter ce phénomène, qui tue encore un enfant toutes les 10 secondes !

Texte, en quelque sorte résumé de mon livre « Faim zéro, en finir avec la faim dans le monde », écrit pour l’Académie d’Angers. (13 pages, pour les télécharger, faire « download » en bas du tableau)

 

De Nouvelles Voies Pour Éradiquer La Faim – Parmentier – Académie d'Angers

Publié dans Actu FAIM | Marqué avec , , | Laisser un commentaire

Quelques rendez-vous médiatiques autour du Salon de l’agriculture

Je vous donne quelques rendez-vous médiatiques, pour ceux que ça intéresse :

Publié dans Actu NOURRIR, Actualités | Un commentaire

Madagascar, championne du monde de la crevette

Les deux producteurs malgaches de crevettes tropicales sont les meilleurs du monde ! Un palmarès auquel ce pays n’est vraiment pas habitué, tant il est abonné aux dernières places[1] : 151e à l’indice de développement humain, 174° en PIB par habitant, 178° pour la mortalité infantile, 148° pour l’espérance de vie, etc.

Certes la production de crevettes malgache ne représente guère que 1 % de la production mondiale, et ne génère « que » 100 millions d’euros par an, mais les crevettes de la société OSO ont été les premières à obtenir le label Agriculture biologique, et celles d’UNIMA les premières à avoir un Label rouge !

C’est ce que j’ai constaté en participant à l’émission La quotidienne sur la Chaine de télé France 5 cette semaine.

Evidemment la qualité se paye ! Mais, réfléchissons un peu, qu’est-ce qu’on achète exactement quand on achète des crevettes pas chères ?

  • Le pire : on peut acheter carrément de l’esclavage sur les bateaux qui pêchent les poissons qui nourrissent les crevettes, comme le dénoncent nombre d’ONG. Esclavage ? comment est-ce possible au XXIe siècle ? C’est que ces bateaux clandestins, ou fantômes ne vont jamais au port, comme on peut le voir sur l’image suivante : ils restent en permanence en mer et les pauvres travailleurs qui ont accepté d’y monter le payent parfois de leur vie !

Blanchiement pèche esclavage

Document Courrier International

  • L’assèchement des fonds marins (dans le cas des crevettes péchées, dites « sauvages ») : il faut bien comprendre que la crevette est petite, il faut donc des filets à maille resserrée pour la pêcher. Et, bien évidemment, ces filets attrapent tout ce qu’il y a dans la mer, surtout quand ils raclent les fonds : on a calculé qu’on rejetait souvent 10 kilos de poissons, tortues et autres pour chaque kilo de crevettes péchées ! Pour corriger ce désastre, les malgaches ont travaillé avec des organisations comme le sur des dispositifs comme TED (Turtle Excluding Device), pour permettre aux tortues de s’échapper, et BRD (By-catch Reduction Device), pour réduire les captures accessoires de poissons.
  • De l’opacité complète sur la filière. Quelle garantie avons-nous que cette crevette dite de l’Equateur en provient vraiment ? Chacun peut comprendre que, vu le nombre d’intermédiaires (voir schéma ci-dessus), si on repère l’usine de transformation, c’est déjà bien ! Et, bien évidemment, notre « police de l’alimentation » ne va pas analyser tous les lots de crevettes qui arrivent en France !
  • La destruction de la mangrove tropicale (dans le cas des crevettes élevées) : les gigantesques exploitations de pays comme la Thaïlande abattent en masse cette végétation si nécessaire aux équilibres écologiques, à la biodiversité, et à l’atténuation des tsunamis. Pire, le comportement prédateur de ces gigantesques exploitations les conduit à abandonner les bassins au bout de quelques années, quand ils sont bien pollués, pour aller défricher ailleurs !
  • Des doses massives d’antibiotiques et de produits chimiques : lorsqu’on élève 200 crevettes au M2 (les malgaches se contentent, eux, de 10 animaux au M2!), les maladies guettent, la mer s’acidifie, les déchets stagnent, les animaux stressent, et on tente tant bien que mal de corriger ces disfonctionnements à grand coup d’ajouts chimiques, lesquels se répandent dans la mer… et restent dans la chair des crevettes que nous mangeons ! Sans compter les agents colorants, ou de conservation.
  • Une salinisation des champs et des nappes alentour : pour corriger les différences d’acidité et de salinité, on prélève énormément d’eau douce, laquelle se remplace progressivement par de l’eau salée en ces bords de mer.

On voit donc, une fois de plus, que quand on achète un produit, on achète « le monde qui va avec » ! Au fait, vaut-il mieux manger moins de crevettes, mais de Madagascar, qui en plus sont nettement meilleure au goût, et relativement bien « tracées » puisque c’est la même société intégrée qui effectue toutes les opérations, en se soumettant en plus aux contrôles des labels Bios et Label rouge ? Ou plein de crevettes en se bouchant les yeux sur le monde qu’on achète ? Bon appétit !

Et n’oublions pas que d’ici deux ans, on pourra aussi commencer à manger de la crevette tropicale de Roscoff, produite dans des bâtiments à énergie positive sur terre au bord de la mer, avec un contrôle et une traçabilité totale…

Ferme crevettes Madagascar

 

 

Ferme de production de crevettes à Madagascar

[1] Source : Wikipedia

 

 

Publié dans Actu MANGER, Actu NOURRIR, Actualités | Marqué avec , | 3 commentaires

Qui va accompagner la transition agricole ?

Article rédigé pour l’association AEI « Pour une Agriculture écologiquement intensive », à l’occasion de leurs ateliers annuels qui se tiendront à Angers les 4 et 5 mars 2015, sur le thème des « Transitions avec l’AEI ».

Les transitions que va devoir gérer le monde agricole sont très profondes. Les organisations actuelles sauront-elles être à la hauteur de ces enjeux ?

Prenons une comparaison avec les révolutions numériques des dernières décennies. Dans les années 1960, beaucoup pensaient que les « maîtres du monde » allaient s’appeler IBM et ITT, la première ayant un chiffre d’affaire supérieur au PIB de la Grèce, et la seconde ayant très fortement contribué à renverser le gouvernement Allende au Chili. Aujourd’hui la première est devenue une filiale d’une entreprise chinoise et la seconde a depuis longtemps disparue. C’est que, pendant qu’on contemplait des gros ordinateurs dans des salles immaculées et servis par des savants en blouse blanche qui parlaient un langage abscond, le micro-ordinateur a tout balayé sur son passage. Puis dans ce micro-ordinateur, les logiciels sont devenus bien plus importants que les machines elles-mêmes : des étudiants qui travaillaient dans des garages en Californie ont gagné le jackpot, et c’est Microsoft qui est devenu LE symbole de puissance dans le monde (ainsi qu’Apple). Mais pendant qu’on récriminait sur Bill Gates, devenu l’homme le plus riche de la planète, on n’a pas vu venir la nouvelle révolution : faire circuler l’information, encore plus crucial que la traiter… et de nouveau quelques étudiants géniaux ont renversé la table, les nouveaux cerveaux du monde s’appelant désormais Google, Twitter et Facebook. Et pourtant, malgré ces deux leçons magistrales, nous n’arrivons pas à imaginer par qui ils seront remplacés (car ils le seront, forcément).

Dans un autre secteur d‘activité, la plus grande entreprise du monde, General Motors, a fait faillite, pour n’avoir pas vu venir la hausse du prix de l’essence.

Alors, dans l’agriculture, que va-t-il se passer ? Toutes les organisations qui tiennent le haut du pavé sont nées avec la révolution verte, et risquent d’avoir du mal à faire leur propre nouvelle révolution.

Les coopératives par exemple, sont pour la plupart des groupements d’achat qui ont réussi. Malheureusement la réussite entraine souvent un certain conservatisme : pourquoi changer alors que tout va bien ? Aujourd’hui même, il est instructif de lire certains des rapports annuels, par exemple : « 2014 a été une bonne année, on a plus collecté et bien vendu », puis, page suivante « Bonne année, on a augmenté nos ventes d’engrais, de pesticides et de tracteurs » ! On croit rêver, 15 ans après le début du XXIe siècle ! Car dorénavant, une belle performance, c’est évidemment de produire plus et mieux, et donc avec moins d’engrais, moins de pesticides et moins de tracteurs.

Ceci va obliger les coopératives à changer totalement de modèle économique : en particulier de vendre du conseil au lieu de vendre des intrants. Et le plus grand changement est à faire… dans les têtes des dirigeants et des salariés. Heureusement nombre d’entre elles ont commencé à négocier ce virage long et difficile, à commencer par celles qui soutiennent notre association AEI, ou ont créé ensemble une « chaire AEI ». Mais pour d’autres, leur attentisme consiste souvent à se voiler la face et se réjouir de petites étincelles alors que c’est tout le brasier qui s’éteint. De ce point de vue la baisse (très provisoire) du prix des carburants risque de les conforter quelques saisons de plus, jusqu’à ce qu’elles soient contraintes d’aborder le nécessaire et profond changement sans l’avoir vraiment anticipé.

Quand on pense que, non seulement on n’a pas réussi dans notre pays à diminuer l’usage des pesticides de 50 %, comme il a été espéré (un peu naïvement il est vrai) lors du Grenelle de l’environnement, mais qu’en plus on l’a augmenté ! Quelles que soient les responsabilités, complexes et multiples, de cet échec, il laisse songeur sur notre capacité collective de mouvement, face à une planète qui, elle, continue inexorablement à se réchauffer et à voir s’épuiser ses ressources. Ceux qui attendront le tout dernier moment pour bouger risquent fort d’y laisser quelques plumes au passage.

De la même manière, de nombreux syndicalistes s’interrogent fortement sur l’accompagnement à la transition et réfléchissent à comment trouver et mettre en place de nouveaux moyens pour aider efficacement les agriculteurs à affronter les défis du siècle à venir. Mais dans le même temps, d’autres semblent surtout désireux de rejouer une dernière fois les conflits du XXe siècle, avec leurs grandes traditions de mobilisation médiatique (y compris les plus emblématiques, la manif de tracteurs, le dépôt de fumier, l’incendie de pylônes de péages, etc.).

On pourrait continuer avec les Chambres, et d’autres institutions. Certaines, comme celle des Pays-de-la-Loire et de Bretagne, montrent au quotidien qu’elles sont décidées à explorer de nouvelles voies pour faire face aux défis du XXIe siècle ; d’autres semblent nettement plus attentistes.

Et, alors même que les idées des bios deviennent enfin à la mode, après des années d’ostracisme, certains responsables, loin de se réjouir de la diffusion plus large de leurs bonnes idées et bonnes pratiques, se crispent parfois sur la défense rigoriste d’une légitimité ancienne, « ghettoïsée » et peu partageuse.

Le même défi concerne l’enseignement et la recherche. Les grandes institutions de ce secteur sauront-elles bouger assez vite et passer efficacement de leur implication ancienne et reconnue dans l’agriculture intensive (chimiquement intensive) à l’agriculture écologiquement intensive ? Ou bien vont-elles se faire doubler par d’autres acteurs émergents ?

Bref, la transition vers l’inconnu d’un autre monde, c’est difficile, et les virages sont toujours lents quand on est un ex-jeune acteur, devenu gros et ancien. Ça n’est pas perdu, mais c’est encore loin d’être gagné ! C’est parfois plus facile de faire un pas de côté quand on est tout neuf, même si on a peu de moyens. Quitte à se faire ensuite racheter ou récupérer par les gros (comme on l’a vu dans le numérique).

Du coup, on voit aussi apparaître dans le paysage de nouvelles organisations, de « l’âge d’Internet », qui se situent ailleurs, rassemblent quelques passionnés de l’expérimentation, ne demandent rien et s’assemblent pour s’entrainer et s’entraider au changement et à l’innovation. Des organisations centrées sur l’échange d’idées et d’expériences, sur l’expérimentation concertée, sur la construction d’une nouvelle agriculture, et sur la formation mutuelle. Les Sans labour, les Composteurs, les Méthaniseurs, les Demain la terre, etc. Et  l’association AEI « Pour une Agriculture écologiquement intensive », se situe dans la même veine alternative. Serait-ce justement l’équivalent des étudiants fous californiens dans leurs garages ? Finalement quelles seront dans 20 ou 30 ans les organisations qui compteront vraiment après toutes ces transitions : les actuelles qui auront fait leur mutation, ou ces nouvelles, qui les auront démodées ?

Notons que le défi est aussi planétaire : la « vieille Europe » et les Etats-Unis ont largement contribué à inventer et diffuser l’agriculture intensive du siècle précédent. Mais du coup c’est dans ces pays qu’on est devenu le plus dépendant aux intrants, ceux-là même qui vont commencer à manquer. Demain, qui va porter la nouvelle agriculture ? Question OGM, le match est joué (faute de combattants), ce sera en Amérique du nord que l’histoire s’écrira ; il est bien possible qu’il en soit de même pour les défis de la transition numérique, vu l’avance accumulée en la matière sur ce continent. Mais en ce qui concerne les autres transitions, et en particulier celle de l’agronomie et de l’écologie, tout reste possible : le vieux continent saura-t-il avancer plus vite et plus efficacement, ou bien dans ce domaine, comme dans beaucoup d’autre, est-ce que ce seront les pays émergents qui prendront le relais ? Songeons que les matériels de semis sans labour se conçoivent actuellement au Brésil… A nous d’écrire notre avenir finalement !

 

Publié dans Actu NOURRIR, Actualités | Marqué avec , | Laisser un commentaire

Nourrir l’humanité sur la radio et sur la télé

Lors d’un passage pour les « rencontres de l’écologie » à Die dans la Drome, j’ai donné une interview de 50 minutes à la radio locale RDWA :

http://www.rdwa.fr/Bruno-Parmentier-Nourrir-L-Humanite-Au-XXIe-Siecle_a4608.html

Logo RDWAEt l’Université de Nantes a mis en ligne sur You tube une vidéo de 1 h 50, l’intégralité de la conférence « Nourrir l’humanité sur une planète aux ressources déclinantes » que j’ai donné le 14 novembre 2014. Bon visionnage !

Publié dans Actu NOURRIR | Marqué avec , , | Laisser un commentaire

Demain vos sushi, à la tomate ou au soja ?

Article paru dans ATLANTICO le 29 Janvier 2015

Sushis à la tomate

Les vrais/faux sushis à base de tomate du chef James Corwell. Plus vrais que nature ?

ATLANTICO : Pour pallier à la disparition de certaines espèces animales, comme le thon rouge, des restaurateurs remplacent le poisson par des aliments à base d’algues ou de légumes ayant le même aspect physique que le thon. Pour protéger nos espèces animales et préserver notre environnement, sommes-nous condamnés à manger du « faux poisson » ? Au vu des richesses de la mer, en a-t-on réellement besoin ? Et serions-nous prêts à en manger ?

On en a mangé dans le monde 160 millions de tonnes de poisson en 2013, contre 18 millions en 1950 ! Soit maintenant 21 kilos par terrien et par an, dont près de 35 par français. Pour cela on a pêché 90 millions de tonnes et élevé 70 millions de tonnes. Croire qu’on peut prélever une telle quantité sans s’occuper sérieusement du renouvellement, et sans dépeupler la mer, est une opinion bien naïve ! Le poisson de mer est en fait tellement menacé qu’il est en fait proche d’être condamné, à commencer par des espèces comme le thon rouge !

Il nous reste donc deux solutions, élever des poissons, ce que nous avons commencé à faire (enfin pas nous les français, essentiellement les chinois et les pays du sud-est asiatique), ou baisser notre consommation ! Depuis 2013, on mange plus de tonnage de poisson d’élevage sur cette planète que de bœuf ! Mais pour des espèces géantes et carnivores comme le thon, l’élevage est difficile, et peu durable car il faudrait pêcher énormément de petits poissons pour nourrir les thons élevés.

Reste donc à réduire notre consommation, ce qui ne satisfait guère l’amateur de sushi, traditionnel (comme le japonais) ou récemment converti, comme quelques français urbains. Ceux qui sont « accros » à cette excellente nourriture en ont tellement envie qu’on en vient donc à leur proposer des substituts, comme pour les drogués finalement. Pourquoi pas en effet ! Si ces substituts nous apportent le plaisir que nous recherchons, en nous aidant à moins piller notre planète si fragile, pourquoi écarter a priori cette solution ?

C’est pareil pour la viande ! Le restaurant chinois Tien Hiang par exemple, à Paris, propose toute une carte de plats de « poulet, bœuf ou porc », qui semblent plus vrais que nature, bien qu’ils soient préparés à partir d’une base végétale, la « protéine de soja texturé ». On y vit une expérience fort intéressante, comme de nombreux articles de presse l’ont relaté.

Faux Boeuf de chez Tien-Hiang

ATLANTICO : Comment est-ce qu’on fabrique du « faux poisson » ? Ce dernier a-t-il les mêmes qualités nutritives ?

On travaille une matière première riche en protéine, qui est souvent le soja, mais aussi d’autres, tel la tomate utilisée par le chef californien James Corwell ; on lui donne la texture désirée (poisson, viande, etc.), puis on rajoute certains additifs qui apportent le goût, et des sauces. Les qualités nutritives ne sont évidemment pas exactement les mêmes. Et il y aura inéluctablement des problèmes un jour avec certains additifs… mais il y en a aussi actuellement avec le poisson, souvent bien chargé en mercure, cadmium, DDT et autres vu la pollution de la mer, à tel point qu’il est fortement déconseillé aux enfants et aux femmes enceintes de manger trop souvent des gros poissons prédateurs carnivores comme l’espadon, la lotte, la daurade, le thon, le loup de mer, le brochet, le requin, etc., qui concentrent fortement ces poisons. En matière d’alimentation, rien n’est jamais définitif et les excès se payent toujours.

ATLANTICO : Certains restaurant se sont spécialisés dans les poissons, comme les chaîne de sushi ou les très prisés restaurants asiatiques. Depuis quelques années, le France est également traversée par une mode du sushi/Sashimi. Ne risque-t-on pas de tuer le commerce si le poisson n’y existe plus ? Va-t-on assister à une expansion du commerce végétalien ?

Il est bien évident que si des millions de français se mettent fréquemment à manger des sushis, cela aggravera notablement l’assèchement des mers… cette mode ne pourra alors que refluer. Si nécessaire, on trouvera bien une autre mode pour se donner de nouveaux frissons gastronomiques. Pourquoi pas celle ces insectes par exemple, ou bien celle des vrais végétariens / faux restaurants de viande et poisson.

ATLANTICO : Dans certains restaurants américains, on sert une mayonnaise végétarienne en utilisant de la protéine de pois à la place des œufs. Dans certains fastfoods, c’est le traditionnel steak haché du burger qui est remplacé par un steak de Tofu. Les algues, plantes et légumes, ont-elles autant de protéines et de condiments que dans les poissons ou les viandes ? A terme ne risque-t-il pas d’y avoir un risque de santé pour l’homme ?

On mange actuellement beaucoup trop de protéines animales en France. Rappelons que dans sa vie gastronomique, un français consomme 7 bœufs, 33 cochons, 9 chèvres, 1 300 volailles, 60 lapins, 20 000 œufs, 32 000 litres de lait et 2 400 kilos de poisson. 85 kilos de viande par an, contre 45 dans les années 50 et 25 dans les années 30. 35 kilos de poisson, contre 10 en 1950. Dans un premier temps cette enrichissement de notre diète a amélioré notre santé (nous vivons quand même 15 ans de plus que nos grand parents), mais maintenant nous souffrons d’excès, ce qui aggrave incontestablement les épidémies d’obésité, artériosclérose, diabète, hypertension, cancer, allergie, intolérance, etc.

A ce niveau, remplacer certains excès de protéines animales par un renouveau de protéines végétales (soja, pois, lentilles, haricots, etc.) ne peut pas nous faire de mal, bien au contraire !

Il reste que manger est toujours un acte… dangereux ! Rappelons-nous que le dernier scandale alimentaire en Europe fut celui des graines bios égyptiennes qui ont tué 48 allemands et blessés des centaines d’autres ! Mais rien ne permet de penser a priori que les protéines végétales, même cuisinées en « fausse viande » ou « faux poisson » soient intrinsèquement dangereuses.

ATLANTICO : Ne risque-t-on pas de déplacer le problème de la culture animale et de notre consommation à celui des plantes et des légumes ?  En somme, être végétarien ne représente-t-il pas un risque également pour l’environnement ?

Les animaux à sang chaud que l’on élève mangent, comme nous… des végétaux, avec une productivité déplorable (suivant les espèces, de 3 à 12 kilos de végétaux pour produire un kilo de viande). Si on baisse notre consommation de produits animaux, cela allègera très fortement notre ponction sur la planète. Mais, au niveau mondial, on n’est pas près d’atteindre cet objectif, alors même que des centaines de millions de gens qui étaient autrefois trop pauvres pour de payer de la viande accèdent à un niveau de vie suffisant pour commencer à en manger. Ce sont bien les carnivores qui menacent le plus l’environnement, pas les végétariens ! Rappelons qu’on carnivore qui roule en vélo menace bien plus la planète qu’un végétarien qui roule en 4/4 !

ATLANTICO : Si nous continuons notre rythme de surproduction et surconsommation alimentaire, quels sont les prochains aliments du quotidien qui pourrait bien finir par disparaître à terme ?

Disparaître totalement, n’exagérons pas ! Diminuer fortement, oui. Les gros poissons carnivores certainement, mais ils seront partiellement remplacés par des poissons herbivores d’élevage (genre carpes, tilapias).

Ensuite, il faudra compter avec les changements de culture alimentaire. On mange beaucoup moins de cheval en Europe de l’ouest depuis que nos anciens chevaux de traits, symbole de virilité et de force, ont été remplacés par des chevaux de loisirs montés par des jeunes filles. Le cheval est devenu un animal de compagnie, on ne le mange plus ; les boucheries chevalines ont fermé et cette viande représente à peine 3 % de notre consommation actuelle. Le lapin devient tabou lui aussi, depuis que les enfants des villes en élèvent chez eux.

Une évolution du même type pourrait bien se passer avec le cochon. Très proche génétiquement de l’homme, il n’est pas impossible qu’il devienne un animal spécialisé dans l’assurance médico-chirurgicale. Lorsque chacun connaîtra des gens qui vivront avec un cœur transplanté de cochon, un poumon de cochon, un foie de cochon, etc., le sort des charcuteries pourrait bien rejoindre celui des boucheries chevalines. Il y a déjà trois catégories de la population mondiale qui ne mangent pas de cochon, les juifs, les musulmans et les hindous ; elles pourraient bien être rejointes par une quatrième, les riches. On imagine en effet ces derniers faisant élever leur cochon, adapté à leurs gènes, pour sécuriser leur santé et faire diminuer leurs assurances maladie et vie, ce qui très probablement les éloignera rapidement du jambon et des saucisses.

En revanche, les insectes feront certainement leur apparition progressivement sur nos tables. Et, qui sait, certains restaurants de sushis pourront se transformer en restaurants d’insectes…

D’autres évolutions pourront venir du changement climatique. Le café arabica par exemple : ses graines poussent dans une fourchette de températures restreinte : de 19 °C à 25 °C. Quand le thermomètre grimpe, la photosynthèse s’en voit affectée et, dans certains cas, les arbres s’assèchent. Les caféiers pâtissent en outre de la multiplication des périodes de fortes précipitations et de sécheresses prolongées. Au total, les rendements de cette culture, qui représente actuellement 60 % du marché mondial, pourraient baisser de 38 à 90 % d’ici la fin du siècle ! On reviendra peut-être à la bonne vieille chicorée, qui sait ?

 

Publié dans Actu MANGER, Actualités | Marqué avec , | Laisser un commentaire

Film « Quand la Garonne aura soif » sur France 3 samedi 24 janvier

Amis de Midi Pyrénées et Languedoc Roussillon : Ne manquez pas sur France 3: samedi 24 janvier à 15h 20 la diffusion de l’excellent film de Thierry Gentet « Quand la Garonne aura soif ».

J’y participe largement pour réfléchir à cette question angoissante dans le Sud-Ouest : comment vivra-t-on quand il n’y aura plus d’eau dans la Garonne l’été ?

Rediffusion vendredi 30 janvier à 8h50  sur l’ensemble des antennes de France 3 Sud Ouest : Midi-Pyrénées , Languedoc-Roussillon, Aquitaine, Poitou-Charentes et Limousin.

La bande annonce fr3 :https://www.youtube.com/watch?v=InDJRCiBimU

Le dossier France 3 : http://france3-regions.francetvinfo.fr/midi-pyrenees/emissions/doc-24-midi-pyrenees-et-languedoc-roussillon/actu/quand-la-garonne-aura-soif-le-samedi-24-janvier-15h25.html

Publié dans Actu NOURRIR, Actualités | Marqué avec , , , , | Laisser un commentaire

Je suis Charlie, juif, flic…

Je suis Charlie, juif, flic

Publié dans Actualités | Laisser un commentaire

L’Humanité sur Terre : Une histoire poétique sans faim ?

Lors de ma dernière conférence à l’Institut des futurs souhaitables, un artiste en résidence a fait un poème en direct !

Il s’agit de « Vincent Avanzi, Conférencier, Globe-Trotter et Poète d’entreprise » (voir aussi son site plus « commercial ».

Merci à lui pour ce supplément d’âme, que mes lecteurs peuvent trouver ci-dessous en ce début d’année 2015 ! (Pour télécharger, faire « upload » en fin de texte)

Votons donc le programme « Faim Zéro » auprès de la F.A.O.

Ce n’est pas tant l’abondance qui nous fait défaut,

Mais une agriculture enfin moderne, voilà ce qu’il nous faut.

La faim tel un fléau dont la fin serait l’écho pour repartir à zéro.

L'Humanité Sur Terre, Une Histoire Poétique Sans Faim

Publié dans Actu NOURRIR, Actualités | Marqué avec , , | Laisser un commentaire