Film : Le retour de l’agriculture

L’excellent film d’Elise Griffon, « Le retour de l’agriculture« , réalisé en 2009, et qui n’a pas pris une ride, est enfin disponible sur le Net. J’y ai abondamment collaboré, tout comme mes amis Michel Griffon et Philippe Pastoureau, de l’Association pour une Agriculture écologiquement intensive (AEI), et Jean Viard. Je crois que c’est un des meilleurs films auquel j’ai participé. On peut le voir à l’adresse suivante (27 minutes) :

Le retour de L’Agriculture from Gustave Muller on Vimeo.

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Une cuisine bonne pour la planète, ça rend heureux !

Au lycée Raoul Vadepied d’Evron en Mayenne, on aime le développement durable, du haut en bas de l’échelle. J’y suis allé donner une conférence, qu’ils avaient gagné en remportant un concours d’établissements « éco-responsables » organisé par le Conseil régional des Pays-de-la-Loire. Ils m’avaient invité à déjeuner avant au lycée en annonçant « vous pourrez profiter de notre self éco-responsable »… Au-delà d’une équipe éducative dynamique, unie et entreprenante, j’y ai rencontré un cuisinier heureux, et des lycéens aussi ! Le secret : respecter la planète et inventer une cuisine bonne, saine, attractive, bio et locale chaque fois que possible. Comment se faire plaisir en faisant plaisir aux autres ?

Cuisinier Lorieux lycée Vadepied Evron

Monsieur Alain Lorieux n’a rien du fonctionnaire assoupi attendant les vacances puis la retraite ! On le sent passionné par son métier de cuisinier, créatif et toujours prêt à innover ; c’est un éducateur doublé d’un entrepreneur. Il s’est débrouillé pour reprendre la main sur ses menus et ses approvisionnements, et tenter de mettre sa pratique quotidienne en accord avec ses idées. Résultat : il a créé un réseau d’établissements pour grouper les achats et les bonnes idées, et part faire les marchés pour y dénicher tout le bon et frais qu’il pourrait donner à ses convives. Les menus sont ainsi faits quelques jours seulement à l’avance, pour s’adapter à l’offre. Et il a passé des accords annuels avec 24 maraîchers, boulangers et éleveurs bios locaux, de façon à sécuriser ses approvisionnements, du style « je vous achète 40 kilos de carottes bios toutes les semaines de l’année scolaire » ou encore « gardez-moi 4 cochons bios, et débitez-les moi entièrement ». En fait, presque tous les produits frais sont dorénavant issus de circuits de proximité (moins de 50 km).

Fournisseurs locaux cantine Lycée d'Evron

24 fournisseurs locaux, à moins de 50 Km, dont beaucoup de bios, c’est possible, même pour un simple lycée !

A l’arrivée, on voit un buffet de salades en entrée, et en plus fréquenté par les lycéens ! (il avoue que c’est un peu plus difficile avec les collégiens, mais il faut amorcer le plus tôt possible l’éducation au goût et à la diététique). En dessert, une « ile flottante de Jeannot lapin » rose orange, à base de carottes et de fruits rouges, est du plus bel effet. Et des affiches extraites de mes livres et de ce blog annoncent par exemple que dans une vie, un français mange 7 bœufs, 33 cochons et 1300 poulets, en demandant si c’est bien raisonnable ! Sans oublier la boite transparente à la sortie pour collecter et mesurer le volume du pain jeté, très éducative, ou le badge nominatif qui permet de servir des portions plus petites aux collégiens qu’aux lycéens (suffisait d’y penser…).

Lycée Vadepied Evron Bar à salade  Lycée Vadepied Evron dessert

De la salade au dessert, ça vous rappelle la cantine de votre vieux lycée vous ?

Le tout dans la joie et la bonne humeur ! Et les enseignants font la queue, tout comme les élèves, pour manger dans ce self éco-responsable…

Et, ce que ne voient pas toujours les collégiens et lycéens, les économies sont spectaculaires sur les emballages : ils ont par exemple réussi à diminuer de 80 % les emballages de produits lessiviers. Ils consomment 200 kilos de yaourts par mois, qu’à cela ne tienne, ils réutilisent les seaux, et servent les yaourts dans des pots en verre (17 500 pots de moins de jetés par an !). Pour les fruits et légumes, tous les cageots bois ou plastique sont réutilisés par les maraîchers ; idem pour les emballages du pain. Les papiers et cartons restants sont transformés en buchettes, etc.

Parmi leurs objectifs pour cette année : passer de 20 à 30 % de produits bios. Ils sont d’ores et déjà les plus gros acheteurs de produits bios du département.

On peut faire quelque chose de positif dans sa vie, où qu’on soit, c’est pas triste, et même revigorant de la constater ! La presse locale s’en est d’ailleurs aperçu !

Lorieux journal 7janvier14

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Les conséquences du réchauffement climatique sur l’agriculture mondiale

Le GIEC vient de publier son nouveau rapport sur les effets du réchauffement climatique, ainsi qu’un résumé très bien fait « pour les décideurs ».

Je remonte à cette occasion un « post » que j’avais fait en décembre dernier, et qui renvoie à un article que j’avais fait sur le sujet ; il n’a pas perdu une ride !

En avant première de mon prochain livre « Faim zéro, peut-on éradiquer la faim dans le monde ? » à paraître en septembre 2014 aux éditions La Découverte, un petit texte de synthèse sur les conséquences du réchauffement climatique sur l’agriculture mondiale, que je viens de publier dans la « Revue des Mines » de décembre 2013….

NB. : pour charger le texte et le lire confortablement (7 pages) , faire « Download » en bas de la fenêtre

Réchauffement climatique et agriculture by Nourrir_Manger

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Argentine, pays de la viande, même en crise…

Les argentins aiment et vénèrent la viande… Un signe, quand les guides demandent aux touristes s’ils ont amené un pique-nique, ils demandent plus simplement s’ils ont amené « la viande » !

Une amie raconte que dans une famille moyenne de trois enfants, en Uruguay dans les années 50 et 60, la maman achetait 25 kilos de viande par semaine, sachant qu’en plus ils mangeaient deux fois par semaine du poisson. On n’en est plus là ! Et avec la crise économique, la consommation de viande de bœuf a un peu diminué depuis 2010, ce que fait que l’Uruguay, qui en est resté à 70 kilos par personne, a pris la tête des pays carnivores du monde (pour donner un ordre de grandeur, en France on en est à 23 kilos !). On ne parle que de la viande de bœuf, il faut bien entendu rajouter le mouton, très consommé également, le poulet et le porc !

consommation-viande-argentine

Mais les traditions ont la vie dure. Encore maintenant la portion jugée normale pour un « asado » (nom local du barbecue, institution emblématique) reste de 1 kilo par homme et 700 grammes par femmes… Et les restaurants « viande à volonté » restent fort nombreux.

Asado argentino

Coté élevage, le mythe des gauchos gardant d’énormes troupeaux sur des surfaces de pâturages immenses reste d’actualité : il reste 55 millions de têtes de bétail dans ce pays de 40 millions d’habitants ! Même si les superficies passées en soja sont impressionnantes (soja lui-même utilisé pour l’élevage intensif en Europe et en Chine !).

Ces habitudes restent celles de « pays vides ». Gardons-nous de croire que le monde est uniformément surpeuplé. Ce n’est absolument pas le cas de la majorité des pays africains et latino-américains. Tant que la densité de population restera de l’ordre de 15 habitants au Km2 dans ce pays (France 100), ils pourront probablement continuer à manger de la viande jusqu’à plus faim !

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Quand un français demande qu’on répartisse en deux assiettes la part de viande dans un restaurant, ça donne ça !

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Emission sur la faim vendredi 14 mars à 20 h 40 sur KTO

Pour réécouter l’émission sur la lutte contre la faim de la télévision catholique KTO diffusée le 14 mars à 20 h 40 (52 minutes), voir ici

Ou bien ici : http://youtu.be/4IpNh9LR2bs

Dans le monde, « 1 personne sur 7 se couche le ventre vide » rappelle le CCFD-Terre Solidaire. La faim n’est pourtant pas un fléau insurmontable, car la nourriture disponible aujourd’hui serait suffisante pour nourrir tout un chacun. Là réside le scandale. Créé en 1961 pour répondre à l’appel du Pape Jean XXIII, le Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement n’oublie pas la raison pour laquelle il existe : éradiquer la faim. Y a-t-il des réussites dans le soutien des producteurs locaux ? Quelle sont les principales causes de la faim aujourd’hui ? Reportages au Tchad, au Togo, et réflexion des invités dont Guy Aurenche, président du CCFD-Terre Solidaire et Bruno Parmentier.

Pour la capter sur votre box :  Bouygues : Canal 223 – Free (ou Alice) : Canal 164 – Numericable : Canal 58 – Orange : Canal 166 – SFR : Canal 210 – Virgin : Canal 163

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L’Afrique bientôt autosuffisante en riz ?

Une ONG annonce triomphalement sur son site que « L’Afrique sera bientôt autosuffisante en riz ». Quelle bonne nouvelle, issue d’un récent colloque d’experts tenu à Cotonou, et que l’on peut lire ici. En particulier grâce à six nouvelles variétés de riz Arica plus performantes que le riz Nerica utilisé par les paysans, particulièrement le Was 21, qui présente une grand tolérance au froid et à la toxicité. J’aimerais tellement que ça se réalise. J’ai été interpellé sur le sujet et me permet à cette occasion de mettre un bémol à cet optimisme.

NB. : Texte largement issu de mon prochain livre « Faim zéro, en finir avec la faim dans le monde » à paraître aux Éditions La Découverte en septembre 2014.

Réunion experts riz Cotonou 2014

Les experts en riz réunis à Cotonou en février 20114

La méthode dite de « système de riziculture intensive » (SRI), a été inventée dans les années 60 à Madagascar par un jésuite français, le père Henri de Laulanié (ancien de mon école d’agriculture d’Angers !), et diffusée dans plusieurs pays africains. Elle permet au rendement de passer de 2 tonnes par hectare à 6, voire 10 sans l’utilisation de pesticides ou de fertilisants inorganiques, en valorisant au mieux le potentiel génétique du riz et la gestion de l’eau. Concrètement, on repique au bout de 10 jours au lieu de 30 en espaçant davantage les plants. Les champs ne sont plus inondés durant la période de croissance végétative ; pour préserver l’humidité du sol, on se contente d’arroser tous les 3 à 6 jours. De telles pratiques favorisent un meilleur développement du système racinaire. On n’inonde qu’après la floraison, puis on draine 25 jours avant la récolte. Celle-ci sera au final doublée ou triplée, sur des cycles plus courts et en économisant 40 % d’eau.

Mais la médaille a son revers : il est nécessaire de posséder une excellente technique, en particulier pour maîtriser les mauvaises herbes, ce qui rajoute de la difficulté dans un pays peu éduqué et où le respect des traditions ancestrales reste fort. Et surtout, dans la culture du riz irrigué en terrasses, la pression sociale conservatrice est intense : chacun dépend de ses voisins d’au-dessus pour l’accès à l’eau et se doit d’en fournir aux voisins d’en dessous ; celui qui utilise l’eau à contre temps se fait donc fortement réprimander. Au final, la tradition est restée largement plus forte que l’innovation, et, malheureusement, ce système peu couteux reste très peu développé. Parallèlement, au cours des deux dernières décennies, le nombre d’affamés a augmenté de 147 % à Madagascar (passage de 3 à 7 millions), un pays où 50 % des enfants sont malnutris.

Rizières Afrique 2

En matière de riz, chacun dépend de son voisin, ce qui ne facilite pas l’introduction de nouvelles pratiques culturales

Alors peut-être qu’à la suite de ce colloque de grandes fermes intégrées au marché mondial des technologies vont effectivement augmenter fortement leur production de riz. Peut-être que, numériquement, la production de riz en Afrique dépassera la consommation, et que ce continent deviendra exportateur de ce trésor de la nature. Est-ce que, pour autant, la faim va cesser d’y progresser, en particulier chez les petits paysans ?

En fait, on rencontre régulièrement des Européens qui pensent avoir inventé une technologie susceptible de contribuer efficacement à résoudre le problème de la faim. Ils cherchent alors des financements pour diffuser massivement ces techniques. Parfois, les organisations internationales, les gouvernements locaux, voire même les O.N.G. se laissent prendre au jeu. On lance alors des programmes de construction de puits, ou de mares, d’élevage (volailles ou chèvres), de maraichage, d’arboriculture, de stockage (entrepôts pour les céréales, les légumes, tanks à lait réfrigérés à énergie solaire), etc. Les financeurs, qui n’imaginent même pas la vie sans eau, sans viande, sans légumes, sans possibilité de stockage, se rassurent et se donnent bonne conscience. Eux n’iraient certainement pas se fourvoyer, comme paraît-il certains Russes au siècle dernier, en envoyant des chasse-neiges dans les pays tropicaux ! Dans leur esprit, ces techniques sont bonnes et utiles, donc les diffuser ne peut que faire du bien.

Pour illustrer le propos, prenons l’exemple d’un puits. La question simple : « est-ce que la construction d’un puits fait diminuer la faim dans un village ? » peut paraître tout à fait saugrenue à un esprit hexagonal qui frémit en se représentant la dure vie de ceux (et surtout celles) qui doivent tous les jours marcher sur plusieurs kilomètres pour ramener quelques bidons d’eau à la potabilité douteuse.

Mais la construction d’un « vrai » puits entraîne irrémédiablement l’arrivée dans le village de technologies jusque-là non maîtrisées et d’une monétarisation de la vie économique. Il faut s’endetter pour payer le forage et l’installation d’un moteur, puis son entretien, et ensuite rembourser ou payer cash un droit d’utilisation de l’eau, ce qui devient hypothétique pour les gens qui vivent dans la simple subsistance. Ils doivent donc se mettre à vendre une partie de leur récolte, et abandonner les cultures vivrières, dont le marché est peu organisé, au profit des cultures d’exportation, pour lesquelles il y a des acheteurs sur place (thé, café, cacao, arachide, coton, etc.), mais sans aucune maîtrise des prix. Parfois, ils partiront travailler quelques semaines ou quelques mois ailleurs pour compléter les revenus. Très rapidement, le « marché » fait le tri entre ceux qui sont alphabétisés et instruits, qui savent déjà se débrouiller dans la ville voisine, qui parlent la langue des affaires ou des urbains, c’est-à-dire l’anglais ou le français ou l’espagnol, qui ont un petit pécule… et les autres, qui ne sont absolument pas préparés à cette irruption du modernisme.

Au bout de quelques mois, ou au plus quelques années, l’apparente égalité entre les villageois est remise en question. À la première mauvaise récolte, ou baisse du cours de leur production, les plus pauvres finissent par céder leur lopin de terre aux plus riches et deviennent ouvriers agricoles ; ils se sont prolétarisés dans un marché de l’emploi qui ne leur est absolument pas favorable. Et fatalement, ils finissent par ne plus pouvoir suffisamment se nourrir, et se voient obligés d’immigrer. La boucle est bouclée : le puits a finalement fait progresser la faim dans le village, tandis que l’irrigation qu’il procure augmente la production alimentaire industrielle… à destination de la ville. Quelle ville ? Celle du pays concerné lorsque ça se passe bien, ou une ville européenne ou nord-américaine dans les autres cas, vers laquelle se déversera à bas prix cette mono production de produits tropicaux ou de contre saison. L’enfer est pavé de bonnes intentions !

Et c’est pourquoi certains programmes de développement refusent de se lancer dans la construction de puits.

Irrigation Afrique

Modernité technique, oui, mais qu’en est-il de la population ?

Le sous-développement, celui qui produit mécaniquement l’insécurité alimentaire, est d’abord « dans la tête ». C’est la grande difficulté qu’ont les gens de se projeter dans un avenir différent, et d’entreprendre ensemble. La solution à un tel état de fait ne peut pas être purement technique. Une stratégie efficace doit être sociale et éducative avant tout. Là encore, si la faim est politique, son éradication aussi. Les technologies peuvent éventuellement rendre service à des stratégies sociales, et, de ce point de vue, n’importe quel genre de technique pourrait faire l’affaire pour fonder une école efficace du changement de vie. A la limite, peu importe que l’on commence par des actions agricoles, alimentaires, hydrauliques, énergétiques ou hygiénistes. Le plus important et de savoir comment et avec qui on les mène. La technique est un prétexte à l’action éducative et sociale, et non pas l’inverse. D’autant plus que, dans des villages très pauvres, ce sont de processus élémentaires dont on a besoin, il n’est pas question d’implanter de la haute technologie, ni des techniques couteuses en capital.

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La faim dans le monde sur RTL

J’ai été interviewé (depuis l’Argentine) pour une émission sur la faim dans le monde qui est passée sur la radio RTL le dimanche 23 février à 13 heures.

Pour réécouter l’interview sur RTL qui fait le point rapide sur la prévalence de la faim dans le monde  (4 minutes qui commencent à la minutes 8)

On peut aussi voir ma réaction écrite (un peu épidermique) au derniers débats sur les OGM à l’adresse suivante :

http://www.parisdepeches.fr/32-Economie/2048-France/9093-Cultures_OGM_debat_d_ordre_religieux.html

 

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Agriculture écologiquement intensive :qui va payer ?

Article écrit pour la brochure des « Entretiens de l’AEI 2014 »

sur le thème de « L’AEI dans mon assiette » – Février 2014

Les agriculteurs et leurs organisations et entreprises s’interrogent légitimement sur la « rentabilité » de leurs efforts en matière d’agriculture écologiquement intensive, craignant que de début d’engouement actuel ne retombe rapidement si aucune satisfaction matérielle n’apparaît, ou, pire, si leurs efforts aussi louables que méritoires ne génèrent qu’une baisse de leurs revenus. Faisons un peu d’arithmétique à ce sujet !

 Pour télécharger le document entier (6 pages) :

Agriculture écologiquement intensive, qui va payer

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Encore heureux sur France Inter !

Je serai l’invité de l’émission « Encore heureux » sur France Inter le mardi 4 février de 17 à 18 h !

www.franceinter.fr/emission-encore-heureux-bruno-parmentier

Pour réécouter l’émission :

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Manger, ce n’est pas absorber des nutriments

Article paru (en version courte) dans Atlantico le 26/1/14, voir ici

Un américain qui s’est lancé dans la vente de nutriments en poudre par internet serait en train de faire de plus en plus d’adeptes (voir ici, et aussi ici). D’un point de vue purement technique, est-il possible de se contenter de protéines pour s’alimenter correctement ? Pourquoi ?

J’imagine que c’est possible d’inventer un aliment complet et totalement artificiel. Mais il faut rester prudent avec les effets d’annonce ! L’homme est un omnivore, programmé pour manger plein de choses différentes, et je ne suis pas sûr qu’on sache définir exactement la totalité de ce dont il a besoin sur le long terme. Il y aura toujours quelque chose qui manquera en fin de comptes lorsqu’on se mettra à manger durablement la même et unique nourriture.

Ingrédients de la boisson nourrissante de Rob Rhinehart

Ce serait ça, le repas de l’avenir ?

L’industrie agro-alimentaire risque-t-elle d’emboîter le pas de cette tendance ? Allons-nous nous devoir nous convertir progressivement aux aliments en poudre ?

Bien sûr que non ! Manger, c’est beaucoup plus que d’ingérer des molécules. C’est une activité éminemment sociale. Comment va-t-on séduire son amoureuse sans diner aux chandelles ? Ou avoir une vraie vie de famille sans déjeuner du dimanche chez les parents ? Ou se faire des « co-pains » si on ne casse pas la croute avec eux ?

C’est aussi la base de beaucoup de plaisir ; que restera-t-il aux personnes âgées qui n’ont plus de vie sexuelle, et plus beaucoup de vie sociale, s’ils n’ont même plus un bon dessert à se mettre sous la dent de temps en temps, ou un verre de bon vin pour régaler leurs papilles ?

C’est aussi un acte créateur de civilisation et de culture. Quelle différence entre les anglais et les français si les premiers ne mangent plus de bœuf bouilli et les seconds de blanquette de veau ? Si on ne n’est plus « couscous » ou « spagettis » ou « moules frites » ou « tortilla con frijoles » ou « sushi » qu’est-ce qui nous reste comme manifestation concrète de notre nationalité d’origine ? Il n’y a qu’à regarder à quel point tous les immigrés de tous les pays du monde font des efforts pour maintenir chez eux leurs traditions culinaires !

D’un point de vue psychologique et social, quelles sont les implications du passage d’une alimentation traditionnelle à une alimentation certes nutritive mais très limitée sur le plan gustatif ? Pourquoi ?

Perdre en même temps du plaisir, de la vie sociale, et ses racines, ça serait vraiment destructeur, psychologiquement et socialement, non ? Cette « solution » sera donc réservée à des cas extrêmes et des situations provisoires. Si elle peut améliorer la vie de quelques anorexiques, quelques sportifs extrêmes, pourquoi pas, mais pas à la cantine de mon entreprise, ni dans le foyer familial !

C’est l’occasion saluer l’invention absolument géniale des deux français (André Briend et Michel Lescanne), le Plumpy’nut, pate énergétique à base de lait et d’arachide, bourrée de vitamines et d’éléments minéraux, qui permet de renutrir provisoirement les enfants affamés, et de leur sauver la vie. Mais une fois sauvés, ils repassent évidemment au riz ou au manioc !

Boire une boisson qui remplace toute nourriture

Boire un verre de nutriment, et ne rien manger d’autres,

ce n’est pas la fête !

 

Dans un pays gastronomique comme la France, une telle transition relève-t-elle de la science-fiction ? Le blocage est-il culturellement plus fort que dans d’autres pays ? Quelles contingences nous obligeraient à nous nous nourrir uniquement de protéines ? (scénario à la Matrix…)

Dans les années 60, on nous prédisait déjà qu’en l’an 2000 on se nourrirait de simples pilules. Et on n’a rien vu, même si les hamburgers insipides ressemblent un peu à ces pilules… Et on ne verra évidemment rien dans ce sens en 2050 non plus, au moins en France. Il n’y a qu’à voir toutes ces émissions sur la cuisine à la télé, ou la taille des rayons de livres de recettes dans les librairies ? La gastronomie est ancrée dans nos gênes, quoiqu’en disent les prophètes de la malbouffe. Et on vient en France du monde entier pour voir comment on fait, naturellement, pour bien manger.

Malgré les discours alarmistes sur l’incapacité de la planète à produire de la nourriture en suffisance pour toute la population, des alternatives existent-elles avant que nous n’en soyons réduits à boire des verres de protéines ou à manger uniquement des insectes ? Quelles sont-elles ?

L’idée même qu’il y ait une solution aux problèmes de l’alimentation des 9 à 10 milliards de terriens qui arrivent est absurde et frise l’escroquerie intellectuelle. C’est vrai qu’il va falloir produire approximativement 70 % de nourriture en plus. Pas en Europe où on mange déjà assez, voire trop, et où on ne fait plus d’enfants, mais il faudra au moins doubler en Asie et tripler en Afrique. Ca n’est pas gagné, mais ce n’est pas le verre de protéines industrielles ni le steak haché de viande artificielle (qu’on nous a présenté l’été dernier), ni le passage de tous aux insectes qui va nous sauver la mise. D’autant que la génération spontanée n’existant pas, pour produire leur poudre, les américains vont bien utiliser, eux aussi, plein d’énergie et de matières premières. Et, on l’a déjà vu, le lait en poudre maternisé dans les pays du tiers monde, c’est criminel, car avec des demi doses (car les gens sont pauvres) mélangées à de l’eau impure et polluée, les enfants meurent en masse ; rien ne vaut l’allaitement maternel !.

Ce qu’il faudra, c’est produire par des voies agro écologiques, et intensifier les processus écologiques comme on intensifiait les processus chimiques depuis 50 ans. Inventer une agriculture « écologiquement intensive » qui permettra de produire beaucoup, mais en ponctionnant moins sur les ressources non renouvelables. Elle devrait permettre de produire « autant et mieux avec moins » dans nos pays déjà très efficaces en agriculture, et de produire « plus » dans les pays tropicaux, où les forces de la Nature sont importantes et la productivité actuelle faible, mais presque sans recours aux tracteurs, et engrais et pesticides artificiels, qui sont de toute manière hors de prix pour eux.

De plus, pour que ceux qui ne mangent jamais de viande puissent en manger de temps en temps, il est urgent que ceux qui en consommant trop s’occupent davantage de leur propre santé, et luttent contre l’obésité, le diabète et l’artériosclérose en se nourissant de façon plus raisonnable, équilibrée et modérée. Et pourquoi pas des insectes en effet de temps en temps, dans les pays où ils sont intégrés dans la culture alimentaire : ces animaux à sang froid ont un nettement meilleur taux de transformation de végétal en protéines animales que nos actuels animaux à sang chaud, qui passent leur temps à se chauffer avec ce qu’ils mangent (bœuf, cochon, poulet, etc.).

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